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ZAN et adaptation climatique : un double défi pour les territoires

Publié le 18 décembre 2025

L’année 2025 a montré à quel point nos territoires sont vulnérables aux dérèglements climatiques : pluies intenses, sécheresses, feux de forêt... Pour anticiper ces évolutions et s’y préparer, la France a publié le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) ainsi qu’une Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC) qui projettent un climat à +2 °C dès les années 2030 et jusqu’à +4 °C d’ici la fin du siècle.

Pour la Fondation, ces documents ne doivent pas négliger un point essentiel : si nous voulons vraiment adapter nos territoires au changement climatique, il faut commencer par préserver et gérer durablement nos sols. Et l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est un levier puissant pour y arriver.

C'est quoi le PNACC ?

Le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique, publié le 10 mars 2025, a pour objectifs de protéger la population et de construire la résilience de la société française face au changement climatique. Il s’agit d’adapter nos modes de vie, notre économie, nos infrastructures et nos décisions politiques en intégrant le climat futur dans l’ensemble de la planification écologique. Il prévoit près de 200 actions autour de 5 axes majeurs (protection de la population, du patrimoine naturel et culturel, adaptation des activités humaines…)

Pour la première fois, le plan repose sur une Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC). Il s’agit de s’adapter progressivement aux niveaux de réchauffement prévus en France hexagonale par les scientifiques : +2 °C en 2030, +2,7°C en 2050 et +4 °C en 2100, par rapport à l’ère préindustrielle.

Le PNACC est l’un des trois documents de planification qui constituent la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) avec la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

Pourquoi le ZAN est-il un levier d’adaptation intéressant pour les territoires ? 

L’ objectif Zéro Artificialisation Nette repose sur deux axes complémentaires : réduire l’artificialisation des sols et renaturer les sols déjà dégradés. Ces deux piliers sont essentiels pour renforcer l’adaptation des territoires.

Préserver des sols vivants, c’est maintenir des fonctions écologiques cruciales : le support de la biodiversité, le stockage du carbone, la régulation de l’eau, la fourniture de nutriments, la régulation des contaminants, ainsi que les services écosystémiques associés.  En limitant l’artificialisation, on réduit par exemple les risques d’inondation lors d’épisodes de pluies extrêmes et on atténue la surchauffe en ville.

La renaturation des sols permet, quant à elle, d’améliorer et de restaurer ces bénéfices : recharge des nappes, création d’îlots de fraîcheur, retour de la biodiversité.

En appliquant pleinement le ZAN, les collectivités disposent donc d’un outil concret pour renforcer la résilience de leurs territoires.

Intégrer le ZAN dans l’aménagement : le nouveau défi des territoires

Appliquer le ZAN dans un contexte de changement climatique pose des défis supplémentaires. Certaines pressions, comme le recul du trait de côte, la diminution des ressources en eau ou l’aggravation des îlots de chaleur, questionnent la pertinence et la faisabilité de certaines formes d’urbanisation et de densification, et appellent à repenser les projets d’aménagement en s’appuyant davantage sur le bâti et les espaces déjà existants.

Sur la gestion de l’eau

Si on prend l’exemple de l’eau, le réchauffement accentue la pression sur cette ressource vitale. Préserver des sols capables d’infiltrer l’eau et de recharger les nappes devient indispensable. Les collectivités doivent donc adapter l’urbanisation à ces contraintes.

En 2024, une intercommunalité du Var a suspendu les permis de construire, jugeant que la ressource en eau ne suffisait plus pour garantir des conditions sanitaires acceptables. Dans les Alpes-Maritimes, tout changement de document d’urbanisme doit désormais inclure un bilan précis des besoins en eau par rapport aux ressources disponibles. Ces exemples montrent qu’il est nécessaire d’intégrer le ZAN et la gestion de l’eau à une échelle plus large, au niveau intercommunal ou régional, pour mettre en adéquation un besoin d’aménagement et les capacités naturelles des territoires

Sur la gestion des ilots de chaleur urbains

La densification est souvent présentée comme une solution pour limiter l’étalement urbain. Mais une densification mal pensée, sans espaces verts suffisants, peut accentuer les îlots de chaleur, augmenter la consommation d’énergie et dégrader le confort de vie des habitants.

Entre 2009 et 2020, les projets de construction peu denses – moins de 8 logements par hectare – ont consommé plus de la moitié des sols naturels tout en produisant moins d’un cinquième des nouveaux logements. Autrement dit, l’étalement urbain consomme énormément d’espace pour très peu de logements.

À l’inverse, des zones trop densément construites, surtout lorsqu’elles manquent d’espaces verts ou utilisent principalement des matériaux minéraux, aggravent les îlots de chaleur. Ces zones deviennent rapidement plus chaudes, obligeant les habitants à utiliser la climatisation. Ce cercle vicieux augmente la consommation d’énergie et accentue les inégalités : certains habitants n’ont pas les moyens de se protéger efficacement de la chaleur ou de bénéficier d’un logement confortable.

L’enjeu est donc d’atteindre un équilibre entre sous-densité et sur-densité, grâce à une planification fine. Les documents d’urbanisme doivent permettre d’ajuster les formes urbaines : par exemple, densifier en passant de 5 à 20 logements/ha peut être possible sans bouleverser radicalement les formes urbaines, à condition d’améliorer en parallèle la fonctionnalité écologique du territoire concerné, par la renaturation d’espaces artificialisés ou par des pratiques de gestion plus favorables à la biodiversité, et de veiller à éviter les effets indésirables (saturation des réseaux, conflits de voisinage, manque de cohérence d’ensemble). À l’inverse, certaines zones peuvent gagner à être dédensifiées pour améliorer le cadre de vie, limiter la chaleur ou réduire le ruissellement. Il faut aussi rappeler que la densité est rarement un problème en soi mais que son acceptation repose principalement sur la qualité des espaces publics et des espaces verts environnants.

Mettre en œuvre le ZAN pour adapter les territoires

Donner à la renaturation un cadre plus clair et efficace

La renaturation doit sortir de la seule logique compensatoire et devenir une véritable stratégie d’adaptation. Mais aujourd’hui, le cadre légal reste trop flou : il ne définit ni la qualité écologique des sols attendue, ni l’échelle de suivi, ni le temps nécessaire pour qu’un sol retrouve ses fonctions. Pour faire de la renaturation devienne un levier stratégique, il faut :

  • Fixer des objectifs précis: améliorer la biodiversité, restaurer les fonctions écologiques et renforcer les services rendus par les sols.
  • Renforcer l’ingénierie écologique locale: mobiliser les experts et les acteurs du territoire pour concevoir des projets adaptés aux contextes locaux.
  • Mettre en place des outils de suivi rigoureux: mesurer l’efficacité des actions et ajuster les projets si nécessaire.

Ainsi, la renaturation devient une stratégie active de résilience territoriale face aux aléas climatiques, allant au-delà des logiques actuelles associées à l’objectif ZAN.

Produire des données robustes sur les sols pour guider l’aménagement des territoires

Les collectivités manquent aujourd’hui de données fiables sur l’état des sols (perméabilité, biodiversité, capacités d’infiltration) pourtant essentielles pour adapter l’aménagement. Nous proposons la création de diagnostics de qualité des sols lors des transactions foncières. Ces données permettraient de cibler les zones à renaturer et d’éviter des aménagements incompatibles avec les risques climatiques.

Elles pourraient aussi nourrir une nomenclature plus fine que le système binaire actuel (sol artificialisé ou non), en attribuant à chaque sol un coefficient d’artificialisation reflétant son état réel. Ce suivi gradué serait bien plus cohérent avec les enjeux d’adaptation.

Soutenir les collectivités locales dans la planification

L’intégration de la TRACC (Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique) dans les documents de planification est indispensable, mais elle intervient alors que les collectivités sont déjà mobilisées par la mise en œuvre du ZAN. Si l’État soutient l’élaboration des documents d’urbanisme, notamment via la DGD (Dotation Générale de Décentralisation), l’ampleur des enjeux liés à l’adaptation climatique appelle un renforcement des moyens d’ingénierie, en particulier pour financer les études préalables permettant d’anticiper les vulnérabilités territoriales.

Les documents de planification doivent faire de la TRACC un principe directeur, afin d’éviter des choix d’aménagement qui aggraveraient les vulnérabilités futures.

Renforcer le financement du PNACC pour en pérenniser l’action

L’un des points faibles majeurs du PNACC-3 et du ZAN concerne leur financement. Une part importante des mesures repose sur un Fonds Vert en baisse constante, dont l’enveloppe 2025 dédiée à l’adaptation (200 millions d’euros) apparaît largement insuffisante pour financer l’ensemble des priorités. À elle seule, l’atteinte de l’objectif annuel de renaturation pourrait mobiliser quasiment toute cette enveloppe.

La Fondation appelle donc à évaluer précisément les besoins financiers, à renforcer le Fonds Vert et à diversifier les sources de financement pour garantir la stabilité des investissements. Sans ressources pérennes, les ambitions du PNACC-3 resteront théoriques et la capacité d’adaptation des territoires sera compromise.

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