Décryptage

Agriculture & alimentation : notre bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron

Publié le 25 février 2022 , mis à jour le 09 avril 2022

A la veille de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, la FNH dresse le bilan. Les enjeux sont majeurs : 45% des agriculteurs français partiront à la retraite d’ici 10 ans, leurs charges augmentent mais leurs revenus baissent, le climat se dérègle de plus en plus fortement et les impacts sont de plus en plus violents pour le secteur agricole. Quant à la précarité alimentaire, elle n’a jamais été aussi forte, en particulier chez les jeunes. Lors du dernier quinquennat, de nombreuses opportunités étaient à saisir pour donner un nouveau souffle au modèle agricole français, notamment la réforme de la Politique agricole commune (PAC). Emmanuel Macron les a-t-il saisies ? Réponses.

🔴  Restauration collective : objectifs fixés, mais pas de moyens alloués

 En 2017, dans son programme pour les présidentielles Emmanuel Macron déclarait :  “d’ici 2022, 50 % des produits proposés par les cantines scolaires et les restaurants d’entreprise devront être bio, écologiques ou issus de circuits courts”. Cependant, ces objectifs n’ont pas été atteints : le taux pour les produits bio dans la restauration collective est aujourd’hui de 5,6 %. 

Pourquoi ? Si la crise sanitaire a eu un impact non négligeable, le gouvernement n’a pas apporté un soutien financier suffisant à la restauration collective pour pouvoir atteindre l’objectif fixé : seulement 50 millions d’euros ont été dégagés par le plan de relance de 2020 pour les petites cantines, alors qu’il fallait 350 millions par an pendant 3 ans pour aider l’ensemble des collectivités.

Par ailleurs, si la loi Climat et Résilience pérennise le menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires, elle reste une expérimentation sur la base du volontariat. Point positif : elle est néanmoins obligatoire dans la restauration collective gérée par l’État.

🔴  Les élevages extensifs abandonnés

La principale aide de la PAC destinée aux élevages bovins ne valorise pas la pratique du pâturage, levier pourtant essentiel pour la transition du secteur, la préservation de la biodiversité, la lutte contre l’érosion des sols et la séquestration du carbone dans les sols. 

Les élevages pâturants sont également plus intensifs en emplois : un système laitier herbager durable crée 24 % d'actifs agricoles au km² de plus qu’un système traditionnel [1]

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à 40% des émissions de gaz à effet de serre des élevages peuvent être compensées par le recours au pâturage [2]

🟠 Les légumes secs : un soutien insuffisant pour un aliment pourtant clé

Aliments phares de la transition écologique de par leurs apports en protéines, les légumes secs sont encore trop peu soutenus, notamment par la PAC. Conséquence : à ce jour nous importons 60% des légumes secs que nous consommons pour notre alimentation. Pourtant, leur culture est une solution à la fois pour le climat et la biodiversité.

Si une Stratégie nationale pour les protéines végétales a été adoptée en 2020, elle ne vise pas spécifiquement les cultures en agroécologie ou en agriculture bio et n’exclut pas l’industrie agroalimentaire fabriquant des produits ultra-transformés. Mais surtout, l’investissement financier n’est pas suffisant : pour la transformation physique du secteur on aurait besoin de 1,1 milliard d’euros, alors que le gouvernement n’a mis que 100 millions d’euros sur la table…

🔴  L’agriculture bio : on ne se donne pas les moyens de réussir

En effet, si l’aide à la conversion à l’agriculture biologique a été augmentée dans l’objectif d’atteindre 18% des surfaces bio en 2027, le gouvernement a choisi d’arrêter complètement de financer l’aide au maintien de l’agriculture bio… une totale incohérence alors qu’il faut démultiplier l’effort pour accélérer son déploiement !

Par ailleurs, l’écorégime de la PAC, l’aide pour mettre en place de mesures de lutte et d’adaptation au changement climatique, a été utilisé comme outil de greenwashing. Cette aide avant adressée aux agriculteurs en bio, est désormais ouverte à d’autres agriculteurs qui répondent à un cahier des charges beaucoup moins strict, comme le label « Haute Valeur Environnementale » (HVE).

🔴  Pesticides : promesses non tenues

Dans sa campagne, Emmanuel Macron annonçait qu’il souhaitait placer la France « en tête du combat contre les perturbateurs endocriniens et les pesticides ». Cependant :

  • Il n’a pas interdit le glyphosate lors de son quinquennat, alors qu’il s’était engagé en 2017 à le faire à la fin 2022. La question de son renouvellement au niveau européen reste possible à cette échéance. 
  • Les néonicotinoïdes ont été également ré-autorisés pendant le quinquennat pour soutenir la filière sucrière grâce à une dérogation, alors que leur utilisation avait été interdite en 2018 suite à la loi biodiversité votée en 2016.

🟠  Commerce international : malgré la signature du CETA, des engagements pris pour une politique commerciale européenne plus juste

En 2019, à l’ouverture du Salon International de l’Agriculture, Emmanuel Macron rappelait la nécessité de construire “la souveraineté alimentaire, environnementale et industrielle” du continent européen. Pourtant, entre 2005 et 2019 l’importation de denrées agricoles et alimentaires a augmenté de 28% et ce phénomène est aggravé par les accords de commerce en cours, comme le CETA. Malgré les alertes de la FNH et ses partenaires, et de la commission spéciale engagée pour analyser les impacts de cet accord de commerce, le quinquennat d'Emmanuel Macron a commencé par la mise en application provisoire de l’accord. La Commission européenne n’a toujours pas donné son feu vert, mais la mise en œuvre provisoire se poursuit….

Concernant l’accord sur le Mercosur, Emmanuel Macron s’y est opposé « en l’état ». Il exige plus de garanties environnementales et pour la filière agricole, mais refuse de rejeter l’accord complètement malgré un rapport demandé par le gouvernement, qui met en lumière les conséquences pour l’environnement, le climat et les normes sanitaires.

L'Accord UE-Mercosur promet une catastrophe environnementale

Par ailleurs, derrière l’augmentation des importations se cache une seconde réalité : l’UE n’exige pas les mêmes normes de production (pesticides, traçabilité, bien-être animal…) aux denrées importées qu’à celles produites sur son territoire. Cette différence de normes met les éleveurs et agriculteurs européens sur le terrain de la concurrence déloyale et ralenti la transition agroécologique.

Face à ce constat, nous faisons une proposition : l’adoption d’un règlement européen pour appliquer des mesures-miroirs. Cela revient à exiger les standards de production européen aux produits importés.

En cela, la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 est une opportunité politique majeure. Lors du congrès de l’UICN, Emmanuel Macron s’est engagé à pousser la mise en place de mesures-miroirs en Europe. Le 10 février dernier, lors d’un événement organisé par la FNH, l’Institut Veblen et INTERBEV à Bruxelles, 3 ministres européens, dont Julien Denormandie, se sont également engagés à soutenir les mesures-miroirs dans les prochains mois. Nous suivrons de près si ces engagements se traduisent en actes d’ici juin.

Mesures-miroirs : l’idée franchit encore une étape au niveau européen

Sources

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Pour approfondir le sujet

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