Défendre une agriculture sans pesticides

Biodiversité et pesticides : un impact volontairement minimisé

Publié le 14 septembre 2021 , mis à jour le 19 juillet 2025

La biodiversité est un processus dynamique qui s’effondre à une vitesse remarquablement élevée depuis trente ans. 80% de la biomasse des insectes dans les zones protégées de l’Europe a disparu en peu de temps et les colonies d’abeilles se sont effondrées. Pourtant l’action publique n’est pas au rendez-vous. Et pour cause, dans bien des cas, il est affirmé que les causes sont multifactorielles et qu’il faut faire plus de recherche. Une déclaration qui satisfait facilement la communauté scientifique. Dans ce point de vue incisif, Pierre-Henri Gouyon, biologiste, souligne l’influence majeur des marchands de doute sur le système de recherche scientifique et leur capacité à détourner les regards de causes pourtant évidentes, et dans le cas présent, des pesticides...

Depuis plusieurs décennies, le rôle des pesticides dans l’effondrement de la biodiversité est largement documenté. Pourtant, malgré la multiplication des alertes scientifiques, le lien direct entre ces substances et la disparition des insectes, des pollinisateurs ou des espèces aquatiques est souvent dilué sous des causes dites multifactorielles. Cette stratégie, largement décrite dans cet article, repose sur un brouillage volontaire de l'information. Il est temps de nommer les choses : les pesticides dans l’eau, les résidus de pesticides dans l’environnement ou encore les pesticides cancérigènes ne sont pas des coïncidences, mais des éléments centraux de la crise écologique actuelle.

Le 15 décembre 1953, à New York, a eu lieu une réunion qui a lancé une nouvelle ère dans les relations entre les entreprises et les citoyens du monde entier. Les spécialistes des « relations publiques » ont commencé à devenir des « ingénieurs sociaux » et certains d’entre eux sont devenus des spécialistes de la désinformation scientifique, les « marchands de doute ».

L’influence des marchands de doutes

Les spécialistes des « relations publiques » ont commencé à devenir des « ingénieurs sociaux » et certains d’entre eux sont devenus des spécialistes de la désinformation scientifique, les « marchands de doute »1. En effet, lors de cette réunion, John Hill, de la firme de relations publiques Hill & Knowlton, a expliqué aux grandes compagnies de tabac que « le simple fait de nier les risques pour la santé ne suffirait pas à convaincre le public. Une méthode plus efficace consisterait plutôt à créer une controverse scientifique majeure dans laquelle le lien scientifiquement établi entre le tabagisme et le cancer du poumon ne semble pas être connu de façon concluante ». La conspiration qui a commencé à ce moment-là a eu un énorme succès, comme l’a montré Robert N. Proctor

Comme le montrent Oreskes & Conway, la même stratégie a été appliquée au déni du changement climatique au début du XXIe siècle. Ce qui sera montré ici est son application aux questions écologiques. Autrement dit, les entreprises agrochimiques ont occulté les liens entre leurs produits et l’effondrement de la biodiversité. Ce point a fait l’objet d’une enquête par les journalistes Stéphane Foucart & Stéphane Horel et le sociologue Sylvain Laurens. Une nouvelle science est apparue : l’agnotologie qui étudie l’ignorance et les moyens de la faire ou de la défaire. Les scientifiques qui travaillent dans des domaines où ces processus s’appliquent ne peuvent plus ignorer cette branche de la sociologie, ce qui s’applique entièrement aux études sur la biodiversité.

Du tabac aux pesticides

En effet, un premier livre sur l’implication majeure des pesticides en ce qui concerne le déclin de la biodiversité a été publié par Rachel Carson en 1962. Elle a insisté à juste titre sur la menace d’extinction de nombreuses formes de vie due aux pesticides. Son argument a sans aucun doute convaincu de nombreux environnementalistes et a conduit à l’interdiction du DDT. Mais elle a eu très peu d’effets sur l’utilisation des pesticides et n’a pas empêché l’utilisation massive de centaines d’autres molécules, y compris encore plus nocives. Soixante ans plus tard, la quantité de pesticides utilisés a considérablement augmenté et le déclin de la faune devient de plus en plus évident, comme le démontre le rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES)8. L’IPBES est présentée comme « l’organe intergouvernemental qui évalue l’état de la biodiversité et des services écosystémiques qu’elle fournit à la société, en réponse aux demandes des décideurs ». Dans son rapport, on peut lire ceci :
« Le taux de changement global de la nature au cours des 50 dernières années est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Les moteurs directs du changement dans la nature ayant le plus d’impact mondial ont été (à commencer par ceux qui ont le plus d’impact) les changements dans l’utilisation des terres et de la mer, l’exploitation directe des organismes, le changement climatique, la pollution et l’invasion d’espèces exotiques. » Fait intéressant, ici, alors que les prédictions faites par Rachel Carson sont avérées, les causes invoquées sont multiples et le mot pesticides n’apparaît pas directement comme une cause majeure. L’effondrement de la biodiversité est attribuable à de multiples causes, tout comme le cancer du poumon. Et dans les deux cas, les ingénieurs sociaux ont fait en sorte que cela soit reconnu. En effet, soixante-dix ans après cette rencontre marquante entre les Relations Publiques et Big Tobacco à New York, les techniques d’ingénierie sociale ont progressé mais la stratégie fondamentale est restée inchangée : Convaincre la communauté scientifique et les parties prenantes que le problème est dû à des causes multifactorielles et que  davantage de recherches sont nécessaires.

Parmi les substances aujourd’hui fortement mises en cause, on retrouve certains pesticides interdits dans plusieurs pays, ou encore des composés comme la tétrazine, dont la toxicité soulève de nombreuses interrogations.

Face à cet effondrement du vivant, des alternatives aux pesticides existent pourtant : l’agroécologie, l’agriculture biologique ou encore le modèle des fermes en permaculture apportent des réponses concrètes. Ces approches respectent les normes biologiques, le cahier des charges du bio, et permettent de produire des aliments biologiques tout en préservant les légumes et fruits bio de la contamination chimique.

Foire aux questions 

Quel est l’impact des pesticides sur la biodiversité ?

Les pesticides ont un impact direct sur la biodiversité : ils tuent les insectes non ciblés, appauvrissent les sols et contaminent l’eau.
 

Les pesticides sont-ils cancérigènes ?

Certains pesticides sont classés comme cancérigènes probables ou avérés par les autorités sanitaires, ce qui soulève de réelles préoccupations de santé publique.
 

Quelle est la définition des pesticides ?

Les pesticides sont des substances chimiques utilisées pour éliminer des organismes nuisibles. Ils incluent herbicides, insecticides et fongicides.
 

Pourquoi retrouve-t-on des pesticides dans l’eau ?

Les pesticides peuvent contaminer les nappes phréatiques ou les rivières par ruissellement ou infiltration après les traitements agricoles.
 

Quelle est la définition du bio ?

Le bio désigne une agriculture excluant les produits chimiques de synthèse et respectant un cahier des charges strict pour protéger l’environnement.
 

À quoi servent les pesticides dans l’agriculture ?

Ils sont utilisés pour protéger les cultures des ravageurs et maladies, mais leur usage intensif a des conséquences écologiques majeures.
 

Qu’entend-on par résidus de pesticides ?

Il s'agit des traces de pesticides retrouvées dans les aliments, l’eau ou les sols après traitement agricole.
 

Quels pesticides sont aujourd’hui interdits ?

Plusieurs molécules ont été interdites en raison de leur toxicité élevée, comme certains néonicotinoïdes ou la tétrazine.
 

Existe-t-il des alternatives aux pesticides ?

Oui, comme l’agroécologie, l’agriculture biologique ou les pratiques de permaculture, qui excluent ou limitent fortement les intrants chimiques.
 

Les normes biologiques suffisent-elles à garantir des aliments sains ?

Les normes du bio imposent des contrôles stricts pour garantir l’absence de résidus de pesticides et protéger la santé des consommateurs.
 

Comment en savoir plus sur les alternatives aux pesticides ?

Vous pouvez continuer votre lecture avec des articles comme : Se passer des pesticides : c’est possible ou Incohérences du règlement UE sur les pesticides. Bonne lecture !

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Pour approfondir le sujet

Le Conseil scientifique de la FNH publie : « Quelles sciences pour le monde à venir ? »