Avec plus de 35 000 répondants, la 1re édition de cette enquête nationale lancée en octobre 2023 par la Fondation pour la Nature et l’Homme avait révèle l’état d’esprit des Français face à l’urgence climatique. Elle dresse le portrait d’une société en pleine mutation, partagée entre lucidité environnementale et sentiment d’impuissance.
Un ressenti climatique ancré dans le quotidien des Français
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 88,4% des répondants ressentent aujourd'hui les effets du changement climatique dans leur vie quotidienne. Cette perception massive contraste avec la mince frange de 11,6% qui affirme ne pas ou peu percevoir ces bouleversements. Cette réalité vécue pousse même un quart des répondants (25,5%) à envisager un déménagement motivé par les contraintes climatiques. Loin d'être anecdotique, ce chiffre révèle l'émergence d'une nouvelle forme de migration, non plus économique ou sociale, mais environnementale. Ces "réfugiés climatiques intérieurs" anticipent déjà les conséquences à long terme du réchauffement sur leur cadre de vie.

Des habitudes qui évoluent, mais de manière inégale
Face à cette prise de conscience, les Français ne restent pas inactifs. L'enquête révèle une transformation notable des modes de vie, avec en tête l'adoption d'une alimentation plus responsable. Ainsi, 59,7% privilégient désormais les produits bio et locaux, tandis que 51,6% se tournent vers le "made in France". Cette tendance s'accompagne d'une réduction significative de la consommation carnée pour 50,9% des répondants. L'économie circulaire gagne également du terrain : 36% privilégient l'achat de produits d'occasion, signe d'une remise en question du modèle consumériste traditionnel. Cependant, des disparités importantes émergent selon les types d'actions. Si les changements alimentaires et de consommation séduisent largement, les investissements plus structurants peinent à s'imposer. Seulement 28,1% ont entrepris des travaux de rénovation thermique, tandis que l'épargne verte ne concerne que 4,4% des sondés. L'analyse des réponses libres éclaire ces disparités. Les "petits gestes" dominent : l'économies d'énergie et d'eau représentent 22,4% des actions spontanément citées, devant l'alimentation et le jardinage (18,4%). Cette prédominance des actions domestiques révèle une approche encore largement individuelle de l'écologie, mais aussi l'existence de contraintes financières : pour 2,5% des répondants, l'écologie reste "un luxe".

Une société traversée par l'éco-anxiété
L'état psychologique des Français face au défi climatique dessine un portrait préoccupant. L'optimisme ne caractérise que 11,5% des répondants, noyé dans un océan d'émotions négatives. L'impuissance domine (27,7%), talonnée par la colère (27,2%) et l'anxiété (25,9%). Cette "éco-anxiété" généralisée témoigne d'un décalage entre la conscience de l'urgence et les moyens perçus pour y répondre. Cette détresse psychologique n'est pas sans lien avec une défiance marquée envers les acteurs traditionnels du pouvoir. Les hommes et femmes politiques n'inspirent confiance qu'à 5% des répondants, tandis que les entreprises ne recueillent que 11,7% d'opinions favorables. À l'inverse, les scientifiques (65,9%) et les associations environnementales (66,7%) incarnent l'espoir d'une action efficace, bénéficiant d'une légitimité incontestable.
Des priorités claires mais des moyens questionnés
Interrogés sur les priorités d'action, les Français expriment une vision cohérente et ambitieuse. La préservation de la biodiversité arrive largement en tête (74%), confirmant l'intuition que la crise écologique dépasse la seule question climatique. Cette priorité absolue est suivie par la défense d'une agriculture sans pesticides (36,3%), la mobilité durable (25,9%) et l'élevage écologique (26%). Ces choix illustrent une compréhension systémique des enjeux environnementaux, où climat, biodiversité et modes de production forment un tout indissociable. L'alimentation responsable qui ne recueille "que" 23% des suffrages en tant que priorité, irrigue en réalité l'ensemble des préoccupations exprimées.

Vers une résignation active écologique ?
Cette enquête d'ampleur inédite révèle une société française en pleine transition écologique, mais aussi en proie à des contradictions profondes. D'un côté, une lucidité remarquable sur l'ampleur des défis et une volonté d'agir qui se traduit par des changements concrets dans les modes de vie. De l'autre, un sentiment d'impuissance qui mine la confiance dans l'action collective et nourrit une forme de résignation active. Les Français semblent avoir intégré que la bataille climatique se joue aussi dans leur quotidien, mais ils attendent des signaux plus forts de la part des institutions et des entreprises. Cette attente déçue alimente une éco-anxiété qui pourrait, paradoxalement, freiner l'engagement citoyen si elle n'est pas accompagnée par des politiques publiques à la hauteur des enjeux identifiés. L'ampleur de cette enquête, par le nombre exceptionnel de répondants qu'elle a mobilisés, témoigne elle-même de cette soif d'expression et d'action. Elle dessine les contours d'une opinion publique mûre pour des transformations d'ampleur, mais en attente de leadership et de moyens pour dépasser le stade des bonnes intentions individuelles.
Participez à la nouvelle édition de l'enquête
Deux ans après cette première photographie de l'opinion française, la Fondation pour la Nature et l'Homme renouvelle son enquête nationale "Les Français face au changement climatique". L'objectif : mesurer l'évolution des perceptions, des comportements et des attentes citoyennes dans un contexte d'accélération des bouleversements climatiques et de multiplication des initiatives écologiques. Vos réponses permettront d'évaluer si l'éco-anxiété recule, si les habitudes se transforment davantage et si la confiance dans l'action collective progresse. Cette enquête constituera un baromètre unique pour comprendre la dynamique de la transition écologique française. Merci de faire entendre votre voix et de contribuer à cet objectif ambitieux.