Exiger aux denrées importées les mêmes normes sanitaires, sociales et environnementales qu’aux denrées produites en Europe, tel est l’objectif de notre proposition de mesures-miroirs rendue publique en mars dernier. Six mois après, elle gagne du terrain auprès d’eurodéputés et du gouvernement français, qui s’engagent à la porter auprès de l’Union européenne.
Mettre en place une clause miroir (autre nom donné aux mesures-miroirs), c’est garantir que les produits importés respectent les mêmes règles que ceux de l’Union. Cette exigence renforce la protection des agriculteurs français, souvent pénalisés par des règles plus strictes que celles imposées aux producteurs hors UE. Une telle démarche s’inscrit aussi dans la logique d’un soutien fort aux agriculteurs français.
Cette asymétrie commerciale nuit aussi à la cohérence de la Politique Agricole Commune (PAC), qui vise à soutenir une agriculture durable. En autorisant des importations agricoles non conformes aux normes européennes, l’UE envoie un signal contradictoire à ses propres producteurs. Seules des mesures miroirs cohérentes permettraient d’aligner les politiques commerciales et agricoles.
Alors que l’accord avec le Mercosur menace d’inonder le marché européen de produits non conformes, la mise en œuvre d’une union douanière plus exigeante s’impose. La transition écologique ne pourra se faire sans une réforme du commerce international, fondée sur la réciprocité des normes et un certain protectionnisme assumé.
Dans un rapport réalisé avec l’Institut Veblen et Interbev, paru en mars dernier, nous démontrons pourquoi adopter ce règlement est à la fois indispensable pour stopper la concurrence déloyale qui étouffe le monde agricole et préserver le climat et l’environnement. Le 15 juillet dernier, nous avons invité des eurodéputés de différents groupes politiques sur une exploitation afin de travailler sur l’application de ces mesures-miroirs dans les prochains textes européens. La présidence française de l’UE qui débute le 1er janvier 2022 nous en offre l’occasion. Retour sur une rencontre qui s’est avérée fructueuse…
Des mesures-miroirs en Europe : les eurodéputés s'engagent
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28% de produits importés et des pesticides interdits en Europe qui se retrouvent dans vos assiettes
Lentilles au glyphosate, bœuf nourri aux farines animales… L’Union européenne importe des denrées alimentaires issues de pratiques interdites en Europe et cela en toute légalité. Les conséquences :
- les agriculteurs européens subissent une concurrence déloyale,
- les consommateurs encourent des risques sanitaires,
- la transition écologique est ralentie car non seulement les normes environnementales n’évoluent pas à la hausse, mais sont aussi revues à la baisse dans certains cas pour faciliter l’entrée de produits sur le marché européen.
L’absence de réciprocité dans les normes a encouragé l’augmentation des importations : + 28% en 15 ans. En France, 50% de nos fruits et légumes sont importés, au détriment de la production locale. Les eurodéputés Anne Sander, Arnaud Danjean (Parti populaire européen), Marie-Pierre Vedrenne, Jérémy Decerle (Renew) et Benoit Biteau (Les Verts) l’ont bien compris : mettre en place des mesures-miroirs est une urgence totale pour accélérer la transition écologique et sauver les agriculteurs européens.
Les eurodéputés engagés à pousser les mesures-miroirs
Le témoignage de Guillaume Perrot, éleveur en Bourgogne Franche-Comté et les deux heures de discussion entre les eurodéputés, la FNH, l’Institut Veblen et Interbev, ont porté leurs fruits : tous les 5 s’engagent à pousser des mesures-miroirs lors de la présidence française de l’UE et dans les textes qui seront votés prochainement notamment :
- La stratégie déforestation importée, dont l’objectif est d’interdire les importations de denrées qui accentuent la déforestation dans des pays tiers (comme l’huile de palme…).
- La directive sur l’utilisation durable des pesticides, qui vise à mettre en place l’objectif européen de -50% voté dans le Green Deal (Pacte Vert).
Par ailleurs, les eurodéputés Eric Andrieu, Sylvie Guillaume et Raphaël Glucksmann du groupe S&D ont rejoint les 5 eurodéputés déjà engagés, pour signer à nos côtés une tribune parue dans le Monde. Nous y soulignons l'importance de mettre en place cette protection essentielle pour les agriculteurs et l'environnement, que sont les mesures-miroirs.
« Les mesures-miroirs sont importantes pour deux choses : pour introduire plus de durabilité ailleurs qu’en Europe, tirer vers le haut d’autres pays sur les mêmes standards de l’Union européenne, qui elle est déjà très engagée. Aussi pour nos agriculteurs : il ne faudrait pas qu’ils se retrouvent en distorsion de concurrence face au reste du monde ». Anne Sander, eurodéputée groupe Parti populaire européen
« Aujourd’hui, avec les mesures-miroirs, nous avons des propositions bien construites, intéressantes techniquement et juridiquement, qui permettront de progresser. » Arnaud Danjean, eurodéputé groupe Parti populaire européen
« Le président de la République et le ministre de l’Agriculture en ont pris l’engagement. On va faire en sorte de leur rappeler cet engagement pour que ces mesures-miroirs avancent pendant la présidence française de l’Union européenne qui commence début janvier 2022. » Benoît Biteau, eurodéputé groupe Les Verts
« On voit qu’il y a une communion à l’échelle française, maintenant nous devons convaincre à l’échelle européenne et trouver les voies et les moyens pour faire en sorte que ce positionnement-là devienne celui de toute l’Union européenne. » Marie-Pierre Vedrenne, eurodéputée groupe Renew
« On vient de renégocier une réforme de la PAC pour l’agriculture européenne de prochaines années et cela paraît donc important, au vue des règles que nous avons remises en place, de faire en sorte que ce qui sera fait par les agriculteurs européens ne soit pas pénalisé par une production agricole venant d’autres pays. » Jérémy Decerle, eurodéputé groupe Renew
Des avancées majeures depuis la publication de notre rapport
- Emmanuel Macron s’est engagé à faire des mesures-miroirs une priorité pour la présidence française de l’UE, lors de l’ouverture du Congrès Mondial de la Nature organisé à Marseille :
Notre politique commerciale doit porter des clauses miroirs sur le plan climatique et sur le plan de la biodiversité. Cela, c'est ce que je veux que la présidence française, aux côtés de nos partenaires avec la Commission, puisse porter. Nous devons réinventer nos politiques commerciales pour qu'elles soient cohérentes avec nos politiques climatiques, avec nos politiques de biodiversité. C'est une nécessité.
- Clément Beaune, Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a pris plusieurs engagements par rapport à la politique commerciale européenne, lors du talk organisé par le Think Tank FNH le 7 juillet dernier. Par exemple : l’application de mesures-miroirs basée sur l’ensemble des méthodes de production ou la fin des importations de viande issus de bovins traités avec des antibiotiques activateurs de croissance.
- Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, s'est engagé dans une tribune, parue dans le Figaro le 3 octobre dernier, cosignée avec son homologue espagnole et autrichienne à réformer la politique commerciale européenne, notamment en instaurant des mesures-miroirs.
- Janusz Wojciechowski, Commissaire européen à l'Agriculture, a lancé un rapport pour étudier la faisabilité d’appliquer des mesures miroirs sur les sujets sanitaires, environnementaux et de bien-être animal aux produits importés qu’il rendra en juin 2022.
Foire aux questions
Pourquoi parle-t-on de mesures miroirs dans l'agriculture ?
Comment les mesures miroirs limitent-elles la concurrence déloyale ?
Les importations agricoles nuisent-elles aux agriculteurs français ?
Quel rôle joue la clause miroir dans ce dispositif ?
Pourquoi la Politique Agricole Commune est-elle concernée ?
Le Mercosur est-il un obstacle aux mesures miroirs ?
Peut-on imposer des mesures miroirs dans l’Union douanière ?
Les mesures miroirs freinent-elles le commerce international ?
Quel lien entre transition écologique et mesures miroirs ?
Pourquoi parle-t-on de protectionnisme assumé ?
Quels autres combats mène la FNH pour défendre les agriculteurs ?
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