Communiqué de presse

« Montagne d’or » : L’État français attaqué devant les tribunaux d’arbitrage par des investisseurs russes

Publié le 20 octobre 2021 , mis à jour le 18 mars 2024

Samedi dernier, le site d’information spécialisé IAReporter publiait l’information selon laquelle deux investisseurs russes auraient entamé une procédure confidentielle de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE ou ISDS en anglais) contre l’État français, en septembre 2020. Cette plainte interviendrait suite au retrait du soutien du gouvernement français au mégaprojet minier « Montagne d’or » en Guyane, jugé en 2019 incompatible avec les exigences environnementales de la France par le Conseil de défense écologique. Une illustration concrète d’un mécanisme dangereux que dénoncent depuis des années la Fondation Nicolas Hulot et l’Institut Veblen. Plus de 4,5 milliards de dollars de compensation seraient réclamés par les investisseurs pour ce premier véritable cas connu de litige à l’encontre de la France[1].

L’institut Veblen et la Fondation Nicolas Hulot appellent à mettre fin aux tribunaux d’arbitrage

L’institut Veblen et la Fondation Nicolas Hulot regrettent que cette procédure soit possible. Ensemble, ils appellent le gouvernement français à sortir de la centaine de traités de protection des investissements qui permettent ce type d’attaques contre les politiques publiques françaises à travers un mécanisme de justice d’exception.  Il est notamment urgent de sortir du traité sur la charte de l’énergie qui est le plus utilisé à l’encontre des Etats membres et de ne pas ratifier le CETA pour ne pas augmenter encore les risques de litiges.

Rappel des éléments de contexte sur l’affaire « Montagne d’or » - Severgroup et KN Holdings vs État Français

Cette procédure devant un tribunal d’arbitrage privé se base sur l’accord bilatéral de protection des investissements qui lie la France et la Russie. Elle vise le non-renouvellement par l’Etat des concessions minières, en 2019, dans le cadre du mégaprojet « Montagne d’or » en Guyane française.
Ce projet de mine à ciel ouvert avait fait l’objet de campagnes de mobilisation importantes au niveau local et au niveau national en raison des impacts massifs attendus sur l’environnement : traitement par cyanuration entre deux réserves à haute valeur de biodiversité, déboisement de plus de 1 500 hectares y compris de forêts primaires sur un site abritant 127 espèces végétales et animales protégées. Plusieurs études indiquant que les retombées économiques du projet seraient bien inférieures à celles annoncées avaient également été publiées.

En mai 2019, tous ces éléments avaient conduit le Conseil de défense écologique à annoncer que le projet en l’état ne se ferait pas, en raison de son incompatibilité avec les exigences environnementales fixées par l’exécutif. Dans le sillage de ces annonces, l’État n'avait donc pas donné suite aux demandes de prolongation pour 25 ans des concessions faites par la Compagnie Montagne d’Or.

Ce différend a déjà été porté devant la justice française. Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Bordeaux ont pour l’instant donné raison à la joint-venture à l’origine du projet Montagne d’or (qui réunit les groupes Nordgold et Orea Mining). Le Conseil d’Etat doit cependant encore se prononcer.

En parallèle des procédures judiciaires françaises, deux sociétés russes, Severgroup et KN Holdings, propriétaires de l’entreprise Nordgold, ont aussi choisi d’utiliser la justice d’exception offerte aux investisseurs étrangers dans le cadre des accords de protection des investissements. Elles ont ainsi déposé une notification de litige en septembre 2020, puis une demande formelle d’arbitrage en juin 2021, après des négociations infructueuses. Les investisseurs réclameraient plus de 4,5 milliards de dollars de compensation, soit la moitié de la valeur présumée de la mine. Il s’agit du premier véritable cas connu de litige à l’encontre de la France.

Sources

[1] Un seul autre cas de litige avait été publiquement recensé sur la base de données de la CNUCED. Il s’agissait d’un litige concernant les droits de propriété intellectuelle, initié en 2013 par un investisseur turc avant d’être abandonné.

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