On estime aujourd’hui qu’environ 75% des maladies infectieuses émergentes, comme la Covid-19 sont des zoonoses, c’est-à-dire des maladies infectieuses animales transmises à l’être humain. Comment expliquer cette flambée de nouveaux virus et leur passage d’animaux, le plus souvent porteurs sains, aux êtres humains ? La Fondation Nicolas Hulot vous propose une analyse documentée pour comprendre les nombreuses raisons qui expliquent ce passage de plus en plus fréquent de la barrière d’espèces.
Télécharger la note d'analyse :
Quels liens entre zoonoses et dégradations environnementales ? (format pdf - 460 Ko)La Covid-19, une zoonose de plus…
Depuis le début du XXe siècle, le nombre de personnes touchées dans le monde par une maladie infectieuse diminue grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène et des systèmes de santé publique, au développement des réseaux d’assainissement, à l’apparition des vaccins et des antibiotiques... En revanche, le nombre d’épidémies augmente si bien qu’il a environ été multiplié par plus de dix depuis 1940. Ainsi, avant le SARS-CoV-2 responsable de la pandémie actuelle, un grand nombre de nouveaux virus avait déjà émergé depuis une cinquantaine d’années notamment.
C’est par exemple le cas du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), du virus responsable de la fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest, ou encore du virus Zika sur le continent américain. Mais, plus généralement, des centaines de microbes sont apparus dans des régions où ils n’avaient jamais été observés auparavant et on estime aujourd’hui qu’environ 75% des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses, c’est-à-dire des maladies infectieuses animales transmises à l’être humain. En effet, les animaux sont porteurs, le plus souvent sains, d’un grand nombre d’agents potentiellement pathogènes pour l’être humain.
L’érosion de la biodiversité, une cause majeure de l’émergence de zoonoses
Nous détruisons les milieux naturels à un rythme effréné. 100 millions d’hectares de forêts tropicales ont ainsi été coupés entre 1980 et 2000 et plus de 85% des zones humides détruites depuis le début de l’époque industrielle. Or, la fragmentation et la destruction des écosystèmes accroît les contacts proches et répétés des animaux sauvages avec l’humain, et ainsi la probabilité de transmission d’agents infectieux.
Ebola l’illustre bien. Plusieurs études, publiées notamment en 2017, mettent en évidence que les apparitions du virus - dont la source a été localisée chez plusieurs espèces de chauves-souris frugivores - sont plus fréquentes dans les zones d’Afrique centrale et de l’Ouest qui ont récemment subi des déforestations. En effet, l’abattage des forêts contraint les chauves-souris à aller se percher sur les arbres de plantations ou les jardins et des animaux domestiques ou des humains peuvent alors ingérer leur salive, urine ou excrément en mordant dans un fruit qui en est couvert. Ainsi, une multitude de virus dont les chauves-souris sont porteuses, mais qui restent souvent chez elles inoffensifs, sont transmis aux populations humaines.
L’agriculture est la principale cause de destruction des habitats naturels terrestres, ce qui de facto en fait un responsable indirect mais majeur de la hausse de l’émergence de maladies infectieuses, notamment dans les régions tropicales, du fait de l’expansion des surfaces agricoles et d’élevage par la déforestation. Les pratiques culturales intensives nécessitant des quantités toujours plus importantes de pesticides diminuent également la biodiversité spécifique.
L’intensification des pratiques d’élevage : de nouvelles crises sanitaires à venir
L’impact sanitaire de l’élevage intensif est particulièrement important et participe fortement à la hausse du nombre d’épidémies. En particulier, la faible diversité génétique des élevages intensifs facilite les infections et les transmissions, et des mécanismes de résistance se mettent plus difficilement en place. Cela a notamment favorisé l’émergence de la grippe porcine H1N1. Par ailleurs, la structuration des élevages a aussi une influence sur la diffusion et la persistance des agents pathogènes. Ainsi, la concentration d’animaux traités aux antibiotiques dans des bâtiments fermés prépare de potentielles futures bombes bactériologiques.
Les élevages intensifs favorisent donc à la fois la transmission de virus et la surutilisation d’antibiotiques par les humains. L’OMS estime même que l’antibiorésistance pourrait tuer 10 millions d’humains tous les ans d’ici 2050…
Le commerce d’animaux sauvages, une autre cause majeure de zoonoses
Le trafic d’animaux sauvages est très important dans l’économie informelle de nombreux pays et sa responsabilité significative dans l’effondrement des populations animales est également bien connue. Ses problématiques sanitaires font l’objet de nombreuses recherches ayant notamment permis de démontrer le rôle de la consommation de viande de brousse dans l’émergence de la fièvre hémorragique à virus Ebola. Diverses analyses génétiques ont également conclu qu’il y a une forte probabilité que le SRAS provienne de chauves-souris et ait été transmis à l’être humain via des chats ou des civettes. Le nombre d’élevages de civettes a d’ailleurs explosé depuis une vingtaine d’années en Asie pour produire du « café civette », récolté dans les excréments de l’animal, à qui on fait manger les cerises du caféier.
D’après d’autres études, les flambées de SRAS seraient même directement liées à la consommation de viande de brousse infectée. La fièvre de Lassa et les maladies dues aux virus Marburg prospèrent aussi en Afrique de l’Ouest et du Centre, où la consommation de viande de brousse est très supérieure à celle des régions amazoniennes pourtant nettement plus riches en biodiversité. De même, il est aujourd’hui presque certain que la Covid-19 soit un dérivé de coronavirus de chauve-souris. Mais, là encore, il y a peu de chances qu’elle soit passée directement de la chauve-souris à l’humain et on suspecte aujourd’hui notamment que le pangolin aurait servi d’intermédiaire.
Note complémentaire :
Maladies émergentes et changements planétaires : quelques réflexions (format pdf - 567 Ko)par Jean-Dominique LEBRETON, Ecologue, Directeur de Recherche au CNRS, Membre de l'Académie des Sciences et membre du Conseil Scientifique de la Fondation Nicolas Hulot
L'article vous a été utile pour mieux comprendre cette actualité ?
Pour approfondir le sujet