Décryptage

Réchauffement climatique : les raisons d'espérer

Publié le 22 décembre 2022 , mis à jour le 23 décembre 2022

Pour ceux qui ne sont pas dans le déni le réchauffement climatique est une source d’anxiété bien compréhensible car c’est un phénomène de grande ampleur, largement irréversible et aux conséquences désastreuses dont certaines sont d’ores et déjà bien tangibles. Il semble en outre ne pas susciter de réactions à la mesure de l’enjeu, que ce soit de la part des gouvernements, des administrations, des entreprises et des ménages.

La montée de la concentration du CO2 et des autres gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère semble inéluctable et complètement insensible aux grands-messes annuelles, les fameuses COP. Sommes-nous en face d’une tragédie annoncée ? Je ne le pense pas et voudrais souligner ici les raisons d’espérer, basées non sur des chimères mais sur des constats. Le combat n’est pas perdu, loin s’en faut !

Commençons par une évidence qu’il est nécessaire de marteler. Les scientifiques connaissent parfaitement la cause unique de ce changement climatique : l’émission anthropique de GES dans l’atmosphère. Ils sont aussi capables de décrire de plus en plus finement les conséquences territoriales de ce changement, que ce soit en matière de température, de montée des eaux, de précipitations, de sécheresses, d’événements extrêmes, etc. Nous ne sommes pas au milieu du XIVème siècle où l’épidémie de peste avait emporté entre 30 et 50% des européens sans que personne ne comprenne de quoi il s’agissait et où les remèdes envisagés étaient pour le moins inadaptés. Nous, nous savons de mieux en mieux ce qu’il faut faire ; la situation se rapproche de ce point de vue de ce que nous avons connu avec le trou de l’ozone où le diagnostic scientifique a permis un accord international et une action mondial efficace.

Deuxième constat, la perception du changement climatique est maintenant largement partagée, tout comme est bien compris ce qui en est la cause. Certes, il existe encore des « climato-sceptiques » et des « technophiles » animés de la foi du charbonnier pensant que seule la technique nous sauvera (plus tard), ce qui ne peut que retarder les actions de grande ampleur à déployer maintenant. Mais il s’agit de minorités marginales. Les citoyens ne s’en laissent pas compter et comprennent bien, dans leur grande majorité, qu’il va falloir changer nos modes de production et de consommation pour se passer progressivement d’énergies fossiles et émettre moins de méthane. De ce point de vue, la crise énergétique accélère la nécessité de se passer d’énergies fossiles et agit comme un électrochoc, malheureusement bienvenu.

Troisième constat, notre survie ne dépend pas du tout d’innovations technologiques de rupture à imaginer dans l’urgence.  Certes les progrès technologiques dans le domaine de l’efficacité, de la décarbonation des procédés ou du captage de carbone seront toujours les bienvenus.  Mais les solutions à mettre en œuvre aujourd’hui sont connues pour l’essentiel et leur coût est devenu raisonnable.  Prenons quelques exemples. Le coût des énergies renouvelables a baissé de manière spectaculaire dans les 15 dernières années. Le MWh solaire photovoltaïque par exemple coûte aujourd’hui moins de 50 euros, 7 fois moins qu’en 2009. Le prix  des packs de batteries a été divisé par 5 entre 2013 et 2021. Nous savons construire des habitations à basse consommation en ossature bois pour des prix très compétitifs. Si la rénovation des logements reste coûteuse pour la majorité des citoyens, elle est largement accessible moyennant des aides publiques, et surtout une politique très volontariste en la matière, qui n’est pas plus irréaliste que ne l’était le programme Apollo ! Son déploiement à large échelle n’est pas simple mais repose surtout sur une programmation politique et une mobilisation des professionnels et des citoyens. Rien d’inconcevable. Enfin, la majorité des solutions apportées au changement climatique peuvent contribuer à améliorer le pouvoir d’achat des ménages et réduire notre facture commerciale, en baissant notre consommation d’énergie. Elles contribuent en outre à notre autonomie stratégique.

Quatrième constat, les entreprises prennent le relais. Si elles se montrées attentistes pendant des années, pour des raisons bien compréhensibles (elles n’ont pas pour vocation de sauver le climat), on peut observer des bouleversements en profondeur dans certains secteurs, comme l’automobile qui va passer à la motorisation électrique.

Dans la production d’énergie, le cas le plus spectaculaire est celui de la compagnie danoise, Orsted dont la production d’énergie est à 90% à base d’énergies renouvelables, alors qu’elle est issue de DONG Energy dont 85% de l’énergie produite l’était à base d’hydrocarbures. Citons, dans l’industrie, Nexans qui privilégie la sobriété et l’économie circulaire sur la croissance quantitative pour limiter la pression de l’entreprise sur le cuivre et oriente la majorité de ses ventes vers  une majorité de clients dans les énergies renouvelables  et la mobilité électrique. Des banques comme le Crédit agricole s’engagent à ne plus financer de projets d’extraction de pétrole. Des fonds de capital privé, comme Alter Equity ne financent que des entreprises à la fois à impacts positifs et dont le management s’engage au plan environnemental et social. Des  groupes de distribution comme ADEO font évoluer leur offre de produits pour qu’ils soient à impacts positifs. Les initiatives, individuelles et collectives, pour inventer de nouveaux modèles d’affaires moins consommateurs d’énergie et de ressources se multiplient. Les concours CUBE par exemple permettent de réduire notre  facture énergétique de manière substantielle et sans investissements significatifs. L’entreprise Don de chaleur lance un grand défi solidaire de sobriété énergétique. Des dirigeants de grandes entreprises font des déclarations audacieuses, comme celui d’Aéroports de Paris évoquant la nécessaire modération en matière de déplacements  aérien.

Cinquième constat plus global. Le découplage entre la « croissance économique »  et les émissions de CO2 même dans leur estimation la plus globale (donc en empreinte carbone) s’observe dans plusieurs pays. L’empreinte carbone de la demande finale des ménages a ainsi baissé de 2005 à 2018 de -28% pour la Grande Bretagne pendant que son PIB croissait de +22% ; ces deux chiffres sont respectivement de -15% et + 28 % pour les Etats-Unis, de -21% et + 24% pour l’Allemagne. Il reste vrai qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir et surtout un changement d’échelle à faire. Mais il est inexact de dire que c’est l’inaction climatique qui prévaut.

Enfin dernier constat, après le mandat calamiteux de Donald Trump, l’actuel président des Etats-Unis a réussi à faire voter par le congrès la loi IRA, un grand plan de réformes dont le principal volet concerne le climat. Près de 400 milliards de dollars serviront à financer des mesures sur dix ans qui doivent permettre aux Etats-Unis d'atteindre leur objectif de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 à 52 % d'ici à 2030 par rapport à 2005. Certes cette loi favorise les intérêts des entreprises américaines, mais l’Europe a des moyens de rebondir sur cette menace, si elle en a la volonté.

Conclusion

La bataille contre le changement climatique n’est pas encore gagnée. Elle est mondiale, difficile, nécessite des changements de nos habitudes dans de nombreux domaines. Elle suppose beaucoup de clairvoyance et de ténacité. Elle se fait partout dans un contexte social difficile, avec des inégalités qui n’ont cessé d’augmenter dans les dernières décennies. Mais de nombreuses conditions de réussite sont réunies pour qu’elle soit gagnée. Le diagnostic est bien posé, les esprits sont de plus en plus préparés, les solutions techniques sont là à un coût abordable, le milieu des affaires peut y voir des opportunités. Des pays ont déjà largement entamé leur transition et peuvent servir d’exemples. Et les Etats-Unis en font un projet collectif phare. Cessons de désespérer nos concitoyens qui ont aussi d’autres préoccupations et, au contraire, répondons à ces préoccupations en nous tournant vers l’avenir et en mettant en œuvre des solutions au changement climatique qui, simultanément, satisfassent ces préoccupations !

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