Décryptage

Stratégie nationale pour la biodiversité : la FNH alerte

Publié le 01 mars 2022 , mis à jour le 10 mars 2022

Au cœur d’une actualité très lourde et chargée, le gouvernement élabore actuellement la 3e stratégie nationale pour la biodiversité. Ce document capital doit fixer le cadre de l’action collective pour la préservation des écosystèmes et des espèces, pour notre santé et notre qualité de vie à horizon 2030. Alors que l’exécutif souhaite absolument publier cette nouvelle stratégie avant l’élection présidentielle, la FNH alerte : dans les coulisses de l’élaboration de ce texte, nous estimons qu’il n’est pas suffisamment abouti…

Quel rôle joue la FNH dans l’élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité ?

En tant qu’ONG environnementale, la FNH est membre de deux instances consultatives du Ministère de la Transition Écologique : le Conseil National de la Transition écologique (CNTE), ainsi que le Comité national de la biodiversité (CNB). Ces deux instances viennent de rendre leurs avis sur le projet de 3ème stratégie nationale pour la biodiversité (SNB3) et font valoir que celui-ci n'est pas suffisamment abouti pour être adopté. La FNH a contribué activement à la production de ces avis : rédaction de propositions et remarques, participation aux réunions plénières, échanges avec la Secrétaire d’État, amendement du projet d’avis puis participation au vote.

Quel est le problème avec ce texte et comment agissons-nous ?

En l’état, nous estimons que le texte manque clairement de vision, d’ambition et d'objectifs chiffrés. Il contient également d’importantes lacunes pour lutter efficacement contre les pesticides responsables majeurs de la disparition de la biodiversité ou contre l’artificialisation des sols. Nous déplorons également la méthode et le calendrier qui ne permettent pas à l’ensemble des acteurs de s’approprier cette stratégie, et donc de produire des résultats à la hauteur des enjeux.

« Avec 12 autres associations, la Fondation pour la Nature et l’Homme a transmis un courrier au président de la République pour l’alerter sur le fait que le projet de stratégie nationale pour la biodiversité n’est pas abouti en l’état et ne pourra pas l’être avant les échéances électorales de ce printemps » explique Rémi Guidoum, responsable biodiversité de notre Fondation. « Les 13 organisations signataires ont demandé au président de la République d’accorder un temps supplémentaire de travail collectif, afin de co-construire avec l’ensemble des acteurs et des territoires une stratégie ambitieuse et capable de produire des résultats concrets ».

Les 5 raisons essentielles pour lesquelles le texte n’est pas au point

Voici les 5 raisons pour lesquelles la FNH considère que le projet de SNB3 n’est pas suffisamment abouti pour être publié avant la présidentielle :

  1. Les documents transmis ne permettent pas de dégager une vision politique qui structure le rapport de la société française à la biodiversité à horizon 2030 (par exemple : quelle place pour le sauvage ? Quel rapport à la nature ordinaire ? Comment intégrer le concept de sobriété dans la protection de la biodiversité ?).
  2. Le projet de SNB3 ne propose ni état des lieux hiérarchisé des pressions qui s’exercent sur la biodiversité en France ni approche stratégique pour les réduire. A ce titre, le manque d’ambition sur la réduction des biocides et la lutte contre l’artificialisation des sols est particulièrement préoccupant.
  3. Les objectifs affichés dans le projet de SNB3 n’ont pour la plupart pas été assortis de cibles claires et d’indicateurs de suivi. Les documents ne précisent pas non plus si la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité reprend à son compte les objectifs des précédentes stratégies, qui n’ont pas été atteints (Aïchi, SNB2, Plan biodiversité, cadre européen, loi climat et résilience, etc.).
  4. La gouvernance de cette stratégie n’est pas suffisamment élaborée, notamment en vue d’assurer d’une part son pilotage au niveau interministériel et, d’autre part, sa mise en œuvre en lien avec les collectivités territoriales et les acteurs locaux.
  5. Le projet de SNB3 ne fait aucune mention des moyens humains et financiers qui seront affectés afin de mettre en œuvre les mesures prévues

Rappelons que la stratégie nationale pour la biodiversité est la concrétisation de l’engagement de la France au titre de la Convention sur la diversité biologique, un traité international ouvert à la signature lors du Sommet de la Terre de Rio en juin 1992, et ratifié par la France le 1er juillet 1994.

En France, la première SNB a été adoptée en 2004 pour une période allant jusqu’en 2010. Elle a été suivie par une deuxième stratégie (SNB2) couvrant la période 2011 - 2020, dont l’évaluation a montré qu’elle n’avait pas produit les effets attendus. En particulier, l’évaluation de la SNB2 souligne que sur la période « la maîtrise des pressions semble avoir régressé puisque de nombreuses pressions sur la biodiversité présentent une dynamique d’augmentation ». A titre d’exemple, les ventes de glyphosate ont augmenté de 12% en France entre 2009-2011 et 2017-2019, tandis que les ventes de fongicides ont augmenté de 25% et celles d’insecticides de 95% sur la même période (Ecophyto). A l’autre bout de la chaîne, les populations de chauve-souris ont baissé de 54% entre 2006 et 2019 en France (ONB).

Cette 3e stratégie nationale doit donc permettre de stopper l’érosion de la biodiversité en France à horizon 2030. Elle doit produire des résultats concrets.

La stratégie française devra par ailleurs prendre en compte le nouveau cadre mondial de la biodiversité, qui sera adopté au cours de la COP15 de la Convention sur la Diversité Biologique, en Chine à l’été 2022. Jusqu’à cet événement, il est donc crucial de poursuivre le travail de co-construction de cette 3ème stratégie nationale pour la biodiversité, afin qu’elle soit aussi ambitieuse, précise et opérationnelle que possible.

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