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Un an après sa condamnation pour inaction climatique, l’État n’en fait (toujours) pas assez

Publié le 13 octobre 2022

Le 14 octobre 2021, l'Etat était condamné pour inaction climatique et obligé par la justice à compenser les émissions de gaz à effet de serre émises en trop entre 2015 et 2019. Pour ce faire, il a jusqu'au 31 décembre 2022. Et depuis ? Pas assez. Avec les autres organisations de l'Affaire du Siècle, nous nous sommes déplacés dans la forêt ravagée par le feu près de Landiras (Gironde) pour interpeller le gouvernement sur l'insuffisance de son action et exposer les mesures à prendre de toute urgence pour surmonter l’hiver, tout en préparant l’avenir.

Un an après, l'Etat en plein décrochage...

Depuis sa condamnation le 14 octobre 2021, et le jugement du Conseil d’Etat en novembre 2020, l’Etat est sous le coup d’une double obligation. Il doit non seulement respecter sa trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030, mais il doit également réparer tout dépassement de cette trajectoire. Et y a du pain sur la planche : au 31 décembre 2022 l'Etat français doit avoir compensé les 15 mégatonnes eqCO2 émises en trop entre 2015 et 2018... Depuis le 14 octobre dernier, l'Etat a-t-il fait ses devoirs ?

En un an, il y a eu quelques efforts allant dans le bon sens sont à saluer, à condition qu’ils soient confirmées prochainement : 

  • Dans le domaine de l’énergie, la fin des garanties à l’export pour les projets d’exploitation d’énergies fossiles est une bonne nouvelle. Cette annonce doit toutefois être confirmée dans le projet de loi de finance, actuellement en discussion.
  • Dans les transports, l’annonce d’un plan vélo est encourageante pour le développement d’infrastructures cyclables de qualité, continues et sécurisées.
  • En termes de sobriété, le plan présenté marque un tournant dans le discours du gouvernement.

Mais il y a eu aussi des régressions préoccupantes, par exemple :

  • Côté énergie, la réouverture de la centrale à charbon de Saint Avold ou encore la création d’un nouveau terminal méthanier au Havre vont à contre-sens de la lutte contre le changement climatique.
  • Dans le secteur de l’agriculture, 3e secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre dans l’Hexagone, la Politique Agricole Commune appliquée en France ne propose que de maigres avancées qui font déjà l’objet de dérogations en 2023.

Si à court terme, la pandémie de Covid-19 et la crise énergétique ont entraîné une baisse conjoncturelle des émissions de gaz à effet de serre en France, cette diminution ponctuelle reste encore insuffisante pour compenser le retard pris et réparer le préjudice subi en raison du non-respect des engagements climatiques. A long terme, la France n’est toujours pas sur la bonne trajectoire : les politiques publiques prévues jusque-là ne permettront pas d’atteindre les objectifs à 2030.

Depuis la forêt ravagée par le feu à Louchats, en Gironde, nos 4 organisations interpellent le gouvernement

"Malgré l'évidence, malgré l'urgence climatique, le nouveau gouvernement d’Elisabeth Borne, dans la lignée du précédent, peine à prendre la mesure des enjeux. Nous sommes aujourd’hui dans la forêt de Louchats, symbole de l'été suffocant que nous venons de vivre, pour rappeler au gouvernement qu’il est urgent d’agir. A moins de trois mois de la date butoir du jugement, il est nécessaire que l’exécutif prenne à la fois des mesures qui auront des conséquences immédiates en termes de réduction des émissions, tout en les ciblant vers ceux qui en ont le plus besoin, et des mesures structurantes sur le moyen terme. Aujourd'hui, la crise énergétique qui se superpose à la crise climatique, doit être le début d’une nouvelle ère vers la résilience et la solidarité.”

Les organisations de l'Affaire du Siècle (FNH, Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France)

Comment faire face aux défis énergétiques, sociaux et climatiques de cet hiver, tout en préparant l’avenir ?

En pleine crise énergétique, la priorité est de privilégier des mesures renforçant la justice sociale, en ciblant celles et ceux qui en ont le plus besoin et favorisant les économies d’énergie dans des secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre.

  • Dans les transports, 1er secteur émetteur de gaz à effet de serre, plusieurs mesures immédiates doivent être prises : extension aux transports et jets privés de l’interdiction des vols si une alternative en train existe en moins de 2h30 ; mise en place d’un forfait à prix réduit pour les transports en commun ; investissements massifs dans les alternatives à la voiture individuelle.
  • Dans les logements et bâtiments, 2e secteur émetteur de gaz à effet de serre, il y a urgence à mettre en place un vaste plan de rénovation énergétique beaucoup plus ambitieux que les mesures jusque-là adoptées et annoncées, en commençant par les « passoires thermiques », ces logements les plus mal isolés.
  • Sur le plan énergétique, le gouvernement tarde aussi beaucoup trop sur deux piliers essentiels de la transition énergétique : la sobriété (son plan manquant d’ambition et se limitant à des mesures conjoncturels pour passer l’hiver) et le développement des énergies renouvelables (la France est le seul pays européen à ne pas avoir respecté ses objectifs sur ce point). Une mesure immédiate de sobriété pourrait être d’interdire les panneaux publicitaires lumineux (qui consomment chacun en moyenne par an l’équivalent de la consommation électrique, hors chauffage et électricité, d’une famille, selon l’Ademe).
  • Sur l'agriculture, deuxième poste d'émissions de GES de la France, le gouvernement doit initier le projet de loi d'orientation agricole annoncé pour fin 2022 et assurer une consultation large des acteurs impliqués. Dans le cadre de cette loi, une attention particulière devra être portée sur la formation qui doit appuyer la transition agroécologique ainsi que sur le renouvellement des générations agricoles. Par ailleurs le gouvernement doit revenir sur les reculs environnementaux concédés en conséquence de la guerre en Ukraine (notamment sur les jachères) sous pression des lobbys agro-industriels.

S'il reste moins de trois mois avant la date butoir donnée par la justice, nombreuses mesures peuvent être prises dès maintenant. D'autant plus que le projet de loi de finances qui décide le budget de l'Etat en 2023 est en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Pour préparer l'hiver, tout en préparant l'avenir c'est maintenant qu'il faut agir ! 

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