30 % des élevages ont disparu en 10 ans[1] et le nombre d’installés ne compensent que 2/3 des départs[2]. Les difficultés à transmettre sont connues : la difficile accessibilité financière de certaines fermes, une inadéquation entre l’offre de fermes à reprendre et la demande des porteurs de projet (taille, type de production) et la faible attractivité du métier d’éleveur. Face à ces problématiques, certains cédants et/ou repreneurs se tournent vers une restructuration et une diversification des productions de fermes d’élevage pour assurer l’installation-transmission. Si le phénomène reste encore minoritaire, il a déjà fait ses preuves sur un certain nombre d’exploitations. Quels sont les bienfaits socio-économiques et environnementaux de cette solution ? Quel est son coût ? Quels moyens pour rendre possible sa généralisation à l’occasion du projet de loi de finances pour le budget 2024 (PLF 2024) et du Pacte-Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles (PLOAA) ?
C’est à ces questions que répondent la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, la Fondation pour la Nature et l’Homme et Terre de Liens dans une nouvelle étude, intitulée « Un horizon pour les fermes d’élevage : restructurer-diversifier ».
Un horizon pour les fermes d’élevage : restructurer-diversifier
Télécharger le rapport (format pdf - 11 Mo)Il s’agit de la reconception du système agricole d’une exploitation grâce à la réorientation de son activité, de la production principale et de l’usage des terres et des bâtiments. La réorientation du système agricole se traduit généralement par la déspécialisation, c’est-à-dire par un arrêt de la mono-production, au profit d’une diversification des productions mises en place sur la ferme ; l’augmentation des actifs agricoles ; et l’adoption de pratiques agroécologiques.
12 fermes analysées pour démontrer les avantages environnementaux et socio-économiques de la restructuration-diversification des fermes d’élevage
Convaincus que la restructuration-diversification est une solution clé à enclencher pour répondre au problème de la transmission de certaines fermes d’élevage et au besoin d’accélérer la transition agroécologique, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique et Terre de Liens ont tenu à analyser de façon très concrète les conséquences et les modalités de cette pratique. Pour cela :
- Des entretiens ont été réalisés avec des personnes travaillant dans des fermes restructurées. Au total, notre échantillon comprend 12 fermes, réparties dans plusieurs territoires à fort enjeu concernant l’élevage, et appartenant, avant la restructuration, à une des 4 principales filières d’élevage (bovins, porcins, avicoles ou ovins/caprins).
- Des entretiens ont également été réalisés avec des techniciens de chambres d’agriculture, de coopératives agricoles, de groupements de productions et d’organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR).
- Les données de précédents travaux ayant déjà été réalisés sur le sujet ont également été analysées.
Au terme de ce travail, plusieurs conclusions se dégagent. Restructurer et diversifier les fermes :
- Crée des emplois : dans cet échantillon, on constate 3,4 fois plus de nombre d’ETP après la restructuration des fermes.
- Offre des conditions de vie et de travail améliorées : la dimension collective présente dans beaucoup de fermes restructurées permet le développement de l’entraide dans le travail et le remplacement ou la rotation pour les astreintes inhérentes à l’élevage. Cela permet aux éleveurs d’avoir des week-ends libres et de prendre plus facilement des congés. Les personnes enquêtées dans l’échantillon évaluent leur épanouissement à 7/10 en moyenne.
- Favorise l’installation de porteuses et porteurs de projet, notamment non-issus du milieu agricole (NIMA), qui constituent une bonne partie des candidats à l’installation.
- Accélère la transition agroécologique : l’ensemble des fermes restructurées de cet échantillon est en agriculture biologique et dans 10 des 12 fermes, il s’agit d’une conversion post-restructuration. Ces fermes sont plus autonomes pour l’alimentation des animaux.
- Contribue au dynamisme des territoires : elles participent toutes à des circuits courts et de proximité (AMAP, restauration collective, marchés locaux), organisent parfois des évènements sur leur ferme et contribuent à augmenter la population de certains villages ruraux.
- Contribue à la souveraineté alimentaire des territoires grâce à l’adoption de productions plus diversifiées et parfois déficitaires sur certains territoires (ex : production de fruits et légumes dans des territoires d’élevage).
Si des études complémentaires sont à mener pour approfondir ces conclusions, il est déjà possible d'affirmer que les restructurations-diversifications sont l’une des solutions pour permettre à l’élevage de relever les deux défis structurels auxquels il est confronté.
Pour démultiplier cette solution, plusieurs freins sont à lever
Interrogés sur leur expérience de restructuration-diversification, les porteurs de projet ont pointé 3 freins principaux :
- Les investissements humains et financiers, notamment ceux associés à la reconception des bâtiments.
- La spécialisation des territoires dans certains types de productions, ayant pour conséquence une concentration géographique des outils d'abattage, de transformation et de distribution dans certains territoires et l’absence d'infrastructures dans d'autres.
- La fragilité des processus de transmission-reprise, qui peuvent être accrus en cas de changement complet de système et les difficultés liées à l’émergence et à la pérennisation des collectifs sur les fermes et associations d’agriculteurs.
5 mesures pour accélérer la restructuration-diversification des fermes
À l'approche d’opportunités législatives, telles que le projet de loi de finances pour le budget 2024 et le Pacte-Loi d’Orientation et d’Avenir agricoles, nos trois organisations formulent des recommandations de politiques publiques visant à accélérer et multiplier les restructurations-diversifications :
- Lancer un réseau d’expérimentations de projets de restructuration-diversification avec un objectif d’au minimum une cinquantaine de fermes pilotes d’ici à la fin de la période 2024-2028.
- Ajouter des scénarios de restructuration dans le diagnostic transmission, en cours d’élaboration dans le cadre du PLOAA, pour faciliter la transmissibilité des fermes et améliorer leur résilience.
- Conditionner les aides à l’investissement à des critères de durabilité et en flécher une partie vers la restructuration-diversification des exploitations.
- Déployer massivement les dispositifs de stockage foncier temporaire non lucratifs et dirigés vers la transition et y intégrer des dispositifs facilitant les restructurations.
- Soutenir la consolidation des filières longues biologiques et le développement de filières territorialisées, afin de garantir des débouchés aux fermes qui se diversifient.
Sources
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