Communiqué de presse

Vote du JEFTA au Parlement européen le 12 décembre : un clou de plus dans le cercueil de l’Accord de Paris

Publié le 11 décembre 2018 , mis à jour le 03 février 2021

En pleine COP24, et alors que les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse, le parlement européen s’apprête, dans l’indifférence générale, à ratifier l’accord de commerce avec le Japon, dit JEFTA ou JEEPA (1) . Moins connu que le CETA, et négocié dans la plus grande opacité (2), le JEFTA est en passe de devenir le plus important accord de commerce jamais signé par l’UE (3). Pourtant, comme le CETA, il menace les droits sociaux, l’agriculture, l’alimentation, l’environnement, le climat, et même nos principes démocratiques. C’est pourquoi, l’Institut Veblen, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) et foodwatch France appellent les eurodéputés à ne pas ratifier cet accord en l’état.

Plusieurs engagements du plan d’action CETA du gouvernement français toujours pas respectés dans le JEFTA

Pour l’Institut Veblen, la FNH et foodwatch France : « Après le CETA, l’adoption du JEFTA confirme que la politique commerciale européenne reste aveugle et sourde aux désordres sociaux et environnementaux qu’elle engendre et qu’elle ne compte pas recouvrer la vue de sitôt. »

En effet plusieurs engagements pris par le gouvernement français dans le plan d’action CETA ne sont toujours pas respectés dans le JEFTA » :

  • Les chapitres travail, environnement et développement durable ne sont toujours pas contraignants.
  • Si l’Accord de Paris est bien cité, il l’est seulement dans les chapitres développement durable non contraignants. Le gouvernement Français avait pourtant pris l’engagement que l’Accord de Paris figure dans les clauses essentielles.
  • Le principe de précaution en tant que tel n’est toujours pas protégé dans cet accord. Seule une notion d’« approche de précaution » apparaît, et ce également dans le chapitre noncontraignant sur le Développement durable(4).
  • La ratification des conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail n’est toujours pas une condition préalable à la signature ou à la mise en œuvre de l’accord, puisque le Japon n’a pas ratifié deux des huit conventions fondamentales de l’OIT (5).

Ce constat est partagé par le commissariat général du développement durable du Ministère de la transition écologique et solidaire.

Dans un rapport publié en novembre sur le commerce et l’environnement, ce dernier déplorait : « Près d’un an après sa publication, force est de constater que les résultats du plan d’action, notamment de son axe 3 visant à renforcer la prise en compte du développement durable dans les accords en cours de négociation, sont incomplets. Les éléments du plan d’action n’ont été que très partiellement intégrés dans les accords dernièrement conclus avec le Japon et le Mexique(….) ».

Le JEFTA n’est également pas compatible avec les nouvelles recommandations du groupe socialiste et démocrate du parlement européen

Le second groupe parlementaire du Parlement européen a présenté le 4 décembre un nouveau rapport dans lequel il formule des propositions pour une politique commerciale qui bénéficierait à tous et non pas seulement à quelques-uns. A un certain nombre d’égards, l’accord JEFTA bafoue aussi déjà ces nouveaux principes directeurs.

A quoi bon appeler à réformer la politique commerciale à l’aune des enjeux fondamentaux de ce siècle si tous les accords se suivent et se ressemblent, sans respecter les engagements les plus élémentaires en la matière ?

Sources

(1) Japan EU Free Trade Agreement ou Japan EU Economic Partnership Agreement. L’accord a déjà été signé le 17 juillet dernier par le Japon et l’UE et il vient d’être ratifié par le parlement japonais. Le 11 décembre prochain, l'Accord entre l'Union européenne et le Japon pour un partenariat économique (JEFTA) va être examiné par le Parlement européen, avant d’être soumis au vote le 12. Ce texte arrive en séance plénière avec le feu vert des commissions Commerce International, Environnement et Agriculture. Contrairement à ce qui était prévu initialement, cet accord ne contient pas de volet sur la protection des investissements. Ce sujet a été écarté en novembre 2017 et relève désormais d’une autre négociation parallèle pour l’instant inachevée. Le JEFTA relève donc de la compétence exclusive de l’UE et sa ratification n'exige donc simplement ainsi qu’un vote favorable du Parlement européen et une approbation du Conseil de l’Union européenne.

(2) Lancées en 2012, les négociations du JEFTA se sont déroulées dans une opacité encore plus grande que celles du TTIP. Le mandat de négociation n’a été rendu public qu’en septembre 2017 après qu’une version allemande n’ait fuité. Et les positions de l’Union européenne dans les négociations n’ont pas ou peu été publiées. Ce n’est qu’après que l’ONG Greenpeace ait publié 205 pages de documents confidentiels en juin 2017, que des informations plus précises sur le contenu de l’accord ont été mises à la disposition du public par la Commission. Une fois encore, le poids de représentants du secteur privé a été disproportionné dans les échanges menés par la Commission européenne sur les négociations (4 % des rencontres de la Commission européenne avec des groupes d’intérêt général et 89 % avec des lobbyistes du secteur privé entre Janvier 2014 et janvier 2017 sur 213 rencontres au total, selon CEO et AK Europa)

(3) Le JEFTA concerne 40 % des échanges et un tiers du PIB à l’échelle mondiale

(4) « Le commerce à tout prix ? Analyse d’accords de libre-échange en cours de négociation par l’Union européenne », étude des ONG foodwatch et PowerShift, qui dévoile le contenu et les implications des accords de libre-échange avec le Japon, le Vietnam, l'Indonésie, le Mexique et avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), février 2018.

(5) Le Japon n’a pas ratifié la convention 105 sur l’abolition du travail forcé, ni la convention 111 sur la discrimination au travail.

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