Décryptage

Sixième rapport du GIEC : toujours plus chaud…

Publié le 02 mars 2022 , mis à jour le 24 janvier 2024

En août 2021, le GIEC publiait un premier volet sur l’évolution du climat. Il exposait entre autres que le climat a été gravement modifié : le monde n’a jamais été aussi chaud depuis 125 000 ans et l’être humain en est le principal responsable. Quelles conséquences auront les impacts identifiés dans le monde et comment nous y préparer ? Le GIEC vient de répondre à cette question en publiant le 28 février le dernier volet de son sixième rapport. Nous le passons en revue pour vous avec Jean Jouzel, climatologue, vice-président du GIEC et membre du Conseil scientifique de la FNH.

3.3
à 3.6 milliards de personnes sur Terre sont déjà « très vulnérables » aux impacts du changement climatique

Ce dernier rapport est un terrible avertissement sur les conséquences de l'inaction.

Hoesung Lee, président du GIEC

127 risques majeurs identifiés dans toutes les régions et tous les secteurs  

Avec l'augmentation du réchauffement, les impacts déjà identifiés deviendraient de plus en plus graves, c'est-à-dire généralisés, systémiques et potentiellement irréversibles. Par exemple :

  • Agriculture : à l’échelle mondiale, la production céréalière totale a perdu de 9 à 10 % de sa valeur. En France, la sécheresse provoque déjà des pertes de récolte à hauteur de 1,2 milliards par an. L'augmentation des températures pourrait faire augmenter le coût des céréales jusqu'à 29 % d'ici 2050…
  • Biodiversité : de très nombreuses espèces pourraient être menacées d’extinction : jusqu’à 14% des espèces terrestres si le réchauffement atteint +1,5°C, et jusqu’à 29% s’il atteint +3°C.
  • Santé : Les événements climatiques extrêmes liés au changement climatique ont déjà un impact négatif sur la santé physique et mentale dans le monde. Ils augmentent le risque de maladies gastro-intestinales, cardio-vasculaires, maladies liées à l’insécurité alimentaire et maladies transmises par les moustiques.
  • Pauvreté : ce sont les pays en développement qui subissent le plus les effets du réchauffement climatique. D’ici 2050, il pourrait y avoir 143 millions de déplacés climatiques supplémentaires. A noter que la France est l’un des pays européens les plus menacés par les inondations côtières. En 2022 le nombre d’habitants menacés est de 900 000 et on pourrait atteindre 1 700 000 d’ici 2100.
53.2
milliards d'euros par an serait le coût lié aux inondations sans adaptation et avec des émissions élevées, contre 4 milliards avec une adaptation efficace

Des impacts irréversibles au-delà de +1,5°C 

Si nous dépassons +1,5°C, même si cela diminue ensuite ensuite, il en résulterait des impacts graves et souvent irréversibles, notamment :

  • Le recul des glaciers et, dans certains cas, leur disparition ;
  • La fonte de la calotte glaciaire et le dégel du pergélisol ;
  • La perte d'écosystèmes formant des habitats tels que les récifs coralliens, les forêts de varechs, les mangroves, les prairies d'herbes marines, les écosystèmes alpins ;
  • Les extinctions d'espèces.

Le point de vue de Jean Jouzel : pouvons-nous encore rester sous la barre des +1,5°C ?

"Malheureusement, je doute que l’on y parvienne. Si à l'échelle planétaire on ne change rien, on aura mis dans l’atmosphère suffisamment de CO2 et autres gaz à effet de serre pour atteindre les +1,5°C d'ici 10-20 ans. Dans cette hypothèse, tout ce qui sera émis après 2030 nous mettra au-delà de 1,5°C, mais évidemment il ne sera pas possible de tout arrêter à partir de 2030… les +1,5°C seront peut-être temporaires, si on agit suffisamment vite et efficacement, ils pourraient même redescendre, mais certains impacts seront déjà irréversibles. C’est en cela notamment que chaque dixième de degré compte : nous éviterions ainsi le déclenchement de certains de ces impacts irréversibles."

 S’adapter est possible si le réchauffement climatique est limité entre +1,5 et +2°C

  • Le PIB par habitant serait supérieur de 5 % d'ici 2100 si les températures étaient stabilisées à 1,5 °C, plutôt qu'à 2 °C.
  • La limitation du réchauffement climatique mondial à 2 °C, au lieu de 4 °C pourrait permettre d'économiser 17 500 milliards de dollars par an à l'échelle mondiale, d'ici 2100.
  • À l'inverse, le coût de l'incapacité à limiter le réchauffement à 1,5 °C augmente considérablement : de 1 300 milliards de dollars par an d'inaction en 2010 à plus de 5 000 milliards de dollars par an en 2020.

Des mesures d’adaptation possibles dans toutes les régions et tous les secteurs

A noter que les efforts d'adaptation actuels sont insuffisants, il est vital d’accélérer la mise en place de mesures transformatrices et non pas à petite échelle et par secteur comme aujourd’hui. Ces mesures il faut les penser en même temps que les mesures d’atténuation, les deux doivent être menés de front car les limites de l’adaptation seront plus importantes encore si on ne cherche plus à réduire au maximum la réduction de nos gaz à effet de serre en parallèle. Quelques pistes :

  • Agriculture : Il existe différents modèles comme l’agroécologie, identifiés comme une piste importante d’adaptation. Dans de nombreuses régions, ce modèle de production agricole, qui s’appuie au maximum sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes naturels et cherche à diminuer le plus possible les pressions sur l’environnement, est déjà en place et fonctionne. Il existe par ailleurs des aides (instruments financiers, programmes de formations, recours au savoir autochtone) qui permettent aux agriculteurs de faire des économies d’eau et d’argent.
  • Biodiversité : Sauvegarder la biodiversité et les écosystèmes est fondamental pour un développement résilient au changement climatique et cela passe notamment par la protection efficace de 30 à 50% des terres, des cours d'eau et des océans.

Pour Jean Jouzel “en France, les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat aurait pu changer la donne”

 “3 ans après le rapport du Giec de 2018 tous les grands pays ont affiché une neutralité carbone en 2050. Cependant, il y a un fossé entre ce que les pays affichent et ce qu'ils réalisent en termes de réduction des émissions. Avec les engagements actuels on va vers une augmentation de l'ordre de 15% des émissions de 2030, alors qu'il faut aller vers une diminution de 45%. C’est le cas de la France : notre pays a du retard sur la stratégie nationale bas carbone. Il faut donc revenir sur cette stratégie et remettre la France dans les clous. Un de mes grands regrets c’est la loi climat issue de la convention citoyenne : Il n’y a que 20% de recommandations des citoyens qui ont été prises en compte dans cette loi et c'est regrettable parce qu’il y avait une réelle ambition chez les citoyens. Si l'essentiel des mesures avaient été mises en œuvre, nous serions sur une meilleure trajectoire par rapport aux objectifs que nous fixons.”

Et y a-t-il encore de l’espoir ? 

 Jean Jouzel fait partie de ceux qui ne se résignent pas : “J’ai toujours un message d'espoir”, nous dit-il “Il faut faire le maximum et je sais que pour les jeunes la situation est difficile, mais je les engage à voir cela comme quelque chose d’attractif. Cette transition se fera quoiqu’il en soit et je pense qu’une fois réalisée on atteindra une qualité de vie plus intéressante que celle que l'on vit actuellement, en tout cas c'est ma conviction. Réaliser ce chemin c'est beaucoup d'innovation et de recherche, je pense que ça peut être assez attractif pour la jeunesse et pour la création d'emplois. Désormais les innovations doivent être évaluées par rapport à leur capacité à s'intégrer dans la lutte contre le réchauffement climatique où l'adaptation.

Mobilisons-nous pour que les décideurs agissent !

Demandez plus de climat dans la campagne présidentielle 

Malgré l’urgence, le climat n'a pas pesé plus de 5% dans les débats présidentiels. Avec les organisations de l’Affaire du Siècle, nous avons lancé un appel pour demander que ce sujet central soit traité à hauteur de l’enjeu ! Déjà 74 000 personnes ont rejoint l’appel, signez et partagez pour être encore plus nombreux à faire pression !

Le 9 avril participez à une marche pour le futur !

A la veille du premier tour, partout en France, des marches sont organisées pour que les 5 prochaines années soient celles du climat, de la justice sociale, de l'égalité et de la paix. Le 12 mars, nous étions 80 000 personnes à marcher pour que l'urgence climatique soit traitée à la hauteur de l'enjeu dans la campagne présidentielle. Cette fois, soyons encore plus nombreux. !

Regardez le Débat du Siècle le 13 mars

L’Affaire du Siècle s’associe avec le streamer Jean Massiet pour y consacrer un long temps d’antenne sur sa chaîne Twitch. Les candidat.e.s sont invité.e.s à échanger et à expliquer comment ils et elles comptent respecter la décision de justice pour protéger les Françaises et les Français du changement climatique. Il s’agira du premier débat 100% climat jamais organisé en France en période d’élection présidentielle.

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