Défendre une agriculture sans pesticides

Sondage : 82% des agriculteurs prêts à réduire les pesticides grâce aux mesures miroirs

Publié le 08 décembre 2025

Un sondage Odoxa pour la FNH révèle une tendance de fond : si les produits importés étaient soumis aux mêmes règles de production qu'en Europe, 82% des agriculteurs accepteraient de réduire les pesticides. Ce message résonne comme une alerte alors que l'UE s'apprête à ratifier l'accord UE-Mercosur et que la Ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, prône la souveraineté alimentaire.

Alors que l'Union Européenne semble renoncer à ses ambitions de transition en simplifiant l'usage des pesticides pour favoriser la compétitivité mondiale, ce sondage exclusif réalisé par Odoxa pour notre Fondation en novembre 2025 change la donne. Il montre que l'usage des engrais et pesticides préoccupe 81% des agriculteurs. Plus marquant encore : 82% d'entre eux sont prêts à réduire ces intrants si le mécanisme de réciprocité des normes (les mesures miroirs) est mis en œuvre. Cette volonté est soutenue par 93% des Français. Pourtant, le blocage persiste du côté politique : manque de vision et accompagnement insuffisant vers l'agroécologie sont pointés du doigt. Décryptage des résultats.

Santé et environnement : des inquiétudes majeures pour la profession

Loin des idées reçues, les préoccupations environnementales et sanitaires sont désormais au cœur du métier d'agriculteur. Elles ne sont plus perçues comme des contraintes externes, mais comme des réalités subies au quotidien.
 
Selon le sondage, deux enjeux dominent :
  • L'impact du changement climatique : 85% des agriculteurs s'inquiètent de la baisse des rendements (46% jugent ce point "très important").
  • La santé liée à l'usage des pesticides : 81% des agriculteurs sont préoccupés par l'impact des engrais et pesticides sur leur santé (48% le jugent "très important").
Ces sujets se classent désormais parmi les principaux facteurs de tension, juste derrière les normes administratives (90%), la charge mentale (89%) et la viabilité économique (87%). Ils devancent même des problèmes structurels comme la transmission des fermes  (78%) ou le manque de main-d'œuvre (74%).

La responsabilité sanitaire : un devoir partagé

Les agriculteurs ne fuient pas leurs responsabilités. 87% d'entre eux estiment que leur rôle vis-à-vis de la santé des consommateurs est important (dont 55% très importante). Une conscience professionnelle qui rejoint parfaitement les attentes des citoyens : 87% des Français jugent également cette responsabilité cruciale (41% la jugent "très importante").
 
Ce consensus entre producteurs et consommateurs forme une base solide pour faire évoluer les pratiques et les politiques publiques.

Les mesures miroirs : une solution plébiscitée par 90% des agriculteurs

Si la connaissance technique du dispositif des mesures miroirs reste imparfaite (seuls 21% des agriculteurs savent précisément ce que sont les mesures miroirs), l'adhésion est massive une fois le concept expliqué.
 
L'idée d'imposer aux produits importés les mêmes interdictions sanitaires et environnementales qu'en Europe séduit toutes les filières :
  • 56% d'adhésion en grandes cultures ;
  • 55% en élevage ;
  • 49% dans les cultures spécialisées.
Côté grand public, le plébiscite est total : 93% des Français jugent les mesures miroirs importantes, et 55% les considèrent même comme prioritaires.
 

Pourquoi les mesures miroirs sont-elles jugées vertueuses ?

Pour les agriculteurs interrogés, ce mécanisme de réciprocité permettrait un rééquilibrage global :
  • Amélioration de la santé : 83%
  • Compétitivité et "Made in France" : 81%
  • Protection de l'environnement : 80%
  • Meilleure rémunération : 77%

Télécharger le sondage

Les mesures miroirs : Regard des agriculteurs et du grand public

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Une condition sine qua non pour la transition agroécologique

C'est l'enseignement majeur de ce sondage : l'équité des normes débloque l'engagement écologique. Si les mesures miroirs étaient appliquées, 82% des agriculteurs se disent disposés à réduire l'usage des engrais et pesticides. Pour 34% d'entre eux, c'est même une certitude.
L'effet d'entraînement profiterait à d'autres pratiques durables :
  • 90% des éleveurs seraient prêts à améliorer le bien-être animal et réduire les antibiotiques.
  • 80% des agriculteurs accepteraient de déployer des infrastructures agroécologiques (haies, jachères).
  • 73% seraient favorables à la diversification des cultures.
  • 67% s'engageraient davantage dans des certifications (Bio, HVE, Label Rouge).

Ce qui bloque : le manque de courage politique

Si les agriculteurs et les consommateurs sont alignés, pourquoi la situation n'évolue-t-elle pas ? Les répondants identifient clairement les freins :
  1. Le manque d'engagement des responsables politiques (cité par 51%).
  2. La faible considération pour le monde agricole (47%).
Les craintes économiques (hausse des prix, représailles commerciales) ou juridiques arrivent loin derrière.
 

L'analyse de la FNH

Pour Thomas Uthayakumar, directeur des Programmes et du plaidoyer de la FNH, l'urgence est politique :
« Ce sondage montre clairement le décalage entre ce qui préoccupe les agriculteurs et les citoyens, et des décisions politiques comme la PPL Duplomb ou l'Accord UE-Mercosur. Ces textes favorisent l’usage de pesticides dangereux et la concurrence déloyale. Le combat ne doit pas se résumer à refuser le Mercosur : c’est toute notre manière de commercer qui doit radicalement changer. Les mesures miroirs sont un premier maillon essentiel pour passer d’un libre-échange débridé à un juste-échange gagnant-gagnant pour la planète, la santé et les agriculteurs. »

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