Décryptage

Justice climatique : Clémentine Baldon en première ligne

Publié le 03 février 2022 , mis à jour le 22 juillet 2025

Clémentine Baldon est avocate. Depuis 2017, elle est aussi membre de notre Conseil scientifique. Notre plus grande victoire ensemble : celle de l’Affaire du Siècle, recours porté contre l’Etat pour inaction climatique. Mais ça n’est pas tout ! Mobilisation contre le CETA, proposition d’un règlement européen pour protéger l’environnement et les agriculteurs… Clémentine nous accompagne au quotidien pour accélérer la transition écologique.  Rencontre avec notre avocate “à impact”.

Ce parcours illustre pleinement les enjeux de la transition écologique et de la justice climatique, deux piliers de l’engagement porté par la FNH. Clémentine Baldon œuvre activement pour faire reconnaître la responsabilité des États dans la lutte contre le réchauffement climatique et promouvoir une politique climatique ambitieuse.

Consciente, dit-elle, « de s’être réveillée tard », notre avocate veut « prendre toute sa part et faire face à l’urgence ». Celle pour qui la justice climatique est devenue le cheval de bataille a tranché : « pas de dossier sans impact ». Aujourd’hui à la tête de son cabinet, Clémentine Baldon travaille avec ONG et acteurs engagés et affirme, convaincue et convaincante, que « la justice climatique n’en est qu’à ses débuts ».

Un virage écologique à la quarantaine

Jeune diplômée de l’ESSEC et en droit, Clémentine Baldon commence sa carrière comme avocate d’affaires. Globe trotteuse, elle travaille dans plusieurs cabinets d’affaires internationaux entre Paris et Londres et se spécialise dans le droit de la concurrence pour les entreprises. Si sa première vocation était de travailler dans la défense des droits de l’homme, son job la passionne : « beaucoup de reconnaissance et de réussite, mais j’avais la tête dans le guidon. Pendant toutes ces années, j’ai acquis un rythme de travail, appris plein de choses. Je suis une grosse bosseuse et j’ai besoin de m’éclater, mais je voulais que toute cette énergie serve à quelque chose…»

Les années passent et Clémentine Baldon, de plus en plus réceptive aux stimuli écologiques, s’interroge. Le déclic ? Une conférence de Patrice Bonnifet sur la RSE, qui dans un premier temps nourrit sa réflexion alors qu’elle est directrice juridique adjointe chez Bouygues Télécom. Cette prise de conscience va transformer sa vie et l’a conduite à réorienter son activité. Quand certains vivent une crise existentielle de la quarantaine, Clémentine Baldon, elle, la met à profit pour s’offrir une transition vers l’écologie.

Alors que les gaz à effet de serre continuent d’augmenter et que l’urgence climatique s’intensifie, Clémentine Baldon souhaite désormais approfondir les enjeux de la transition écologique. Son objectif : faire évoluer le cadre juridique pour soutenir chaque projet écologique et accompagner un véritable plan de transition.

Un premier gros challenge : le CETA

Le rapprochement entre Clémentine Baldon et la FNH se fait en 2017 dans le cadre des travaux menés conjointement par la FNH et l’Institut Veblen pour dénoncer les failles du CETA (l’accord de libre-échange et de protection des investissements entre l’Union européenne et le Canada). Le défi est de taille et le dossier complexe : la rédaction d’observations devant le Conseil constitutionnel visant le CETA. « Un monstre d’un point de vue juridique, puisque le texte de l’accord fait plus de 1 000 pages et qu’on est à l’intersection entre la compétence Européenne et celle des cours nationales ».

En mesurant, grâce à ce premier dossier, l’ampleur des obstacles et des verrous que fait peser la mondialisation sur la transition, Clémentine Baldon avoue « être tombée de sa chaise ». Elle découvre notamment les mécanismes d’arbitrage d’investissement (« RDIE » ou « ISDS »), par lesquels les États acceptent d’être attaqués par des investisseurs étrangers devant des arbitres s’ils changent trop brusquement leur réglementation par des décisions de politiques publiques sanitaires, sociales, fiscales ou environnementales, qui porteraient atteinte aux bénéfices réels et/ou escomptés des investisseurs.
Ces révélations sur les effets de la mondialisation ont renforcé son engagement écologique. Face aux menaces que fait peser le libre-échange sur la protection environnementale, Clémentine défend une vision du droit qui place les enjeux écologiques et la nécessité de protéger la nature au cœur des décisions politiques.

Suite à son investissement dans cette première affaire, qui a permis de porter la voix de la FNH et de l’institut Veblen auprès des instances politiques, Clémentine Baldon devient membre expert du conseil scientifique de la FNH. Avec la certitude d’avoir vraiment quelque chose à apporter, elle quitte alors le monde de l’entreprise, se réinscrit au barreau, et fonde son cabinet pour conseiller les acteurs de la transition, notamment pour les accompagner dans leurs actions visant à faire respecter les objectifs fixés par les accords de Paris et les aider à lutter contre le greenwashing et autres pratiques néfastes pour l’environnement.

L’Affaire du Siècle : une victoire capitale

Pour la première fois, en 2018, l’action juridique a impulsé une formidable mobilisation citoyenne, avec pour rappel une pétition dépassant les deux millions de signatures. Pour la première fois aussi, la société civile s’est à son tour massivement servie de l’outil juridique pour venir relayer les autres actions menées et contraindre les États à respecter leurs engagements.

Après trois ans de mobilisation, le tribunal administratif a rendu deux décisions historiques : l’inaction de l’État face au changement climatique est reconnue illégale et il a jusqu’au 31 décembre 2022 pour rattraper son retard de réduction de gaz à effet de serre.

Cette décision est concomitante à celle rendue par le Conseil d’Etat dans le recours porté par la commune de Grande Synthe. L’Affaire du Siècle (avec ses 4 avocats) a soutenu ce recours en y ajoutant des arguments juridiques.

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Une bataille contre les dérives de la mondialisation

Avec le Mercosur, ce sont à nouveau des accords commerciaux entre l’Union européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud qui sont remis en cause. Là encore, Clémentine travaille avec la FNH pour rédiger un rapport dénonçant un dispositif favorisant l’importation de viande bovine élevée dans des conditions liées à la déforestation (en Amazonie notamment) et de denrées utilisant massivement des OGM et pesticides dangereux et interdits en Europe.

Toujours sur le terrain de la réciprocité des normes, notre collaboration avec Clémentine Baldon s’est poursuivie autour d’une étude sur les « mesures-miroirs », visant à interdire d’importer des produits ne respectant pas les normes minimales environnementales et de bien-être animal applicables en Europe. Pour rendre possible ces mesures, notre avocate a pris le parti d’aller chercher dans la jurisprudence de l’OMC les arguments permettant de déverrouiller les blocages invoqués par les opposants à ces mesures.

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Vers une plus grande judiciarisation des enjeux climatiques

Clémentine Baldon, aujourd’hui totalement investie sur les problématiques juridiques liées à l’urgence environnementale, accorde une grande rigueur à ces sujets infiniment complexes. Elle affirme sa profonde satisfaction à travailler avec la FNH, car « je sais que toutes les analyses juridiques que je mène pour la Fondation seront parfaitement bien portées politiquement ».

Prochain sujet ? Face à la menace existentielle du réchauffement climatique et l’urgence à agir, elle aimerait, dans le cadre du Think Tank de la Fondation, initier une grande réflexion sur « comment réformer le droit de l’environnement »…

Foire aux questions

Pourquoi parle-t-on de justice climatique aujourd’hui ?

La justice climatique émerge comme une réponse aux inégalités engendrées par le changement climatique. Elle cherche à tenir juridiquement responsables les acteurs qui aggravent la situation, notamment les États inactifs. C’est un levier pour garantir des droits face à l’urgence climatique.
 

Comment le droit peut-il contribuer à la transition écologique ?

Le droit est un outil puissant pour contraindre les États et les entreprises à respecter des engagements climatiques. En renforçant les normes environnementales, il soutient concrètement la mise en œuvre de la transition écologique. Des actions comme l’Affaire du Siècle en sont la preuve.
 

Peut-on engager l'État en justice pour inaction climatique ?

Oui. L'Affaire du Siècle l’a démontré : l'État peut être condamné pour ne pas respecter ses engagements climatiques. Cela ouvre la voie à une plus grande judiciarisation des politiques climatiques.
 

Quel est le lien entre accords commerciaux et justice climatique ?

Certains accords comme le CETA ou le Mercosur peuvent favoriser des pratiques néfastes à l’environnement. La justice climatique et les mesures-miroirs questionnent ces logiques et propose des garde-fous juridiques pour protéger la planète et les citoyens.
 

Pourquoi la transition écologique a-t-elle besoin d'avocats ?

Les avocats peuvent faire évoluer la jurisprudence, traduire les objectifs climatiques en obligations légales, et lutter contre le greenwashing. Leur rôle est stratégique pour faire appliquer les règles de la transition écologique.
 

Qu’est-ce qu’un plan de transition en matière de climat ?

Un plan de transition regroupe les mesures concrètes pour réduire les émissions, adapter les politiques publiques et soutenir les acteurs économiques. Il repose sur une vision à long terme et une volonté politique forte.
 

Comment le droit international freine-t-il parfois la transition climatique ?

Certains mécanismes comme le RDIE permettent à des entreprises d’attaquer les États s’ils modifient leur réglementation climatique. Cela crée une tension entre souveraineté publique et logiques de marché globalisé.
 

Quel est le rôle des ONG dans la justice climatique ?

Les ONG, comme la FNH, initient de plus en plus d’actions en justice pour obliger les gouvernements à agir. Elles sont à l’origine de campagnes emblématiques comme l’Affaire du Siècle et participent activement au débat public sur la transition climatique.
 

Pourquoi parle-t-on d’urgence climatique ?

L’urgence climatique désigne l’accélération des dérèglements du climat (sécheresses, canicules, inondations) et la nécessité d’agir vite. Elle appelle à des politiques cohérentes et à une mobilisation de tous les leviers institutionnels.
 

Comment initier un projet écologique dans un cadre juridique ?

Il faut s’appuyer sur les lois existantes, solliciter des experts, et intégrer les enjeux climatiques dès la conception. Un projet écologique solide repose sur la conformité réglementaire et un vrai plan de transition.

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