Décryptage

Crise agricole : défendre les agriculteurs français, enfin !

Publié le 25 janvier 2024 , mis à jour le 21 juillet 2025

Depuis mi-janvier, de nombreux agriculteurs manifestent leur colère et leur désarroi en France et en Europe. Certains n’hésitent pas à pointer les normes environnementales françaises et européennes, comme source principale de la colère agricole. Face au déluge d’informations dont nous sommes submergés, la Fondation vous propose un décryptage de cette crise, de ses causes profondes et des solutions que nous défendons pour sortir l'agriculture de l’impasse. 

 

5 questions pour comprendre

Colère des agriculteurs : comment sortir de l'impasse ?

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Les normes environnementales ne sont pas la source de la détresse économique des agriculteurs

Face aux difficultés de nombreux agriculteurs (18 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté), il y a urgence à sortir des postures pour proposer des solutions qui impacteront réellement leurs conditions de vie. 
 
En effet, le mouvement de colère en France n’a pas été déclenché par une nouvelle politique publique environnementale comme c’est le cas aux Pays-Bas ou en Allemagne. Les positions européennes et françaises sur le glyphosate notamment vont plutôt dans le sens d’un recul des exigences sur ce sujet.
 
Par ailleurs, au niveau européen, le Pacte Vert de l’UE et son volet agricole, la stratégie de la ferme à la table, peinent à être mis en œuvre depuis plusieurs mois et plusieurs règlements sont au point mort législatif, notamment sur le bien-être animal ou l’usage des pesticides.  Malgré un nouveau cycle pour la Politique Agricole Commune, et de maigres dispositions environnementales, des dérogations sur ces dernières, notamment sur les jachères (qui représentent moins de 1% de la surface agricole française), sont accordées depuis deux ans. 
Or si l’on souhaite, comme c’est notre cas à la Fondation, que les agriculteurs vivent dignement de leur métier et puissent s’engager massivement dans la transition qui atténuera le changement climatique et les rendra plus résilients, poser le bon diagnostic semble un préalable indispensable.
La transition écologique ne doit pas être perçue comme un fardeau, mais comme un levier de résilience pour les exploitations. Associer mesures miroirs, soutien aux agriculteurs français et révision de la politique agricole commune est indispensable pour garantir à la fois la sécurité alimentaire et des conditions de travail durables.
 

Colère agricole: la première des batailles est celle des revenus !



En 2018, 10% des agriculteurs touchaient, en France, moins de 800 euros par mois. Pourquoi les agriculteurs n’arrivent pas à se rémunérer correctement ? 
  • Une augmentation des coûts de production de 30 % ces trois dernières années. Ces coûts sont liés aux prix de l’énergie, des engrais de synthèse, des phytosanitaires, du pétrole, dont l’agriculture conventionnelle dépend fortement.
  • Un partage de la valeur inéquitable dans les filières agricoles : sur une brique de lait, la part reçue par un éleveur a baissé de 4% entre 2001 et 2022 alors que celle des entreprises agroalimentaires a augmenté de 64% et de 188% pour la grande distribution.
  • Les conséquences du changement climatique qui se traduisent directement en perte de revenus : sécheresses qui pénalisent fortement les prairies et cultures, la maladie hémorragique épizootique, les inondations, etc.
  • Les accords de libre-échange, négociés parfois depuis plusieurs dizaines d’années (comme l'accord UE-Mercosur), mettent sous pression les agriculteurs du fait d’une concurrence déloyale, en particulier quand ils sont signés avec des pays ne respectant pas les mêmes normes environnementales ou sanitaires que nous. Ces accords accentuent l’incompréhension et le désarroi dans le milieu agricole. 
Plus largement, un grand manque de cohérence entre objectifs environnementaux, aides publiques, et accords de libre-échange, qui crée des injonctions contradictoires pour les agriculteurs, et nourrit un sentiment d’injustice.
Ces accords commerciaux agricoles exposent les producteurs européens à une concurrence déloyale. Les importations agricoles en provenance de pays aux normes moindres alimentent l’insécurité alimentaire et renforcent les revendications des agriculteurs. Des clauses miroirs sont nécessaires pour protéger notre modèle.
 
 

Face à cette crise agricole, que propose la Fondation ?

1 / Assurer aux agriculteurs des revenus dignes et cohérents avec les impératifs environnementaux. Parmi nos propositions : 

  • Fixer un prix plancher des matières premières agricoles et encadrer les marges des acteurs de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution.
  • Inclure les agriculteurs dans l’ensemble du processus de négociations commerciales pour leur permettre de sécuriser une meilleure rémunération dans le temps qui couvre les coûts de production et leur permette d’investir dans la transition agroécologique (contrats tripartites entre agriculteurs, entreprises agroalimentaires et grande distribution avec des garanties socio-économiques et environnementales). 
  • Mettre en œuvre des mesures de réciprocité, ou mesures miroirs, pour s’assurer que les denrées agricoles importées par l’UE respectent les mêmes normes environnementales et sanitaires que celles imposées aux agriculteurs européens.

2/ Accompagner la transition agroécologique des agriculteurs pour leur permettre de réduire leurs coûts de production et d’être plus résilients face au changement climatique. 

  • Refondre progressivement les aides de la PAC vers plus d’équité entre agriculteurs, plus d’accompagnement vers l’agroécologique et de la valorisation des pratiques vertueuses.
  • Soutenir davantage les agriculteurs biologiques en crise par des aides d’urgence et contribuer à la structuration de débouchés par une politique alimentaire ambitieuse.
  • Maintenir les exigences du plan Ecophyto et du Pacte Vert européen en matière de réduction d’usage des pesticides pour garantir à la fois la résilience de l’agriculture, la protection de la santé des agriculteurs, des consommateurs et de la biodiversité. 
Alors que 50% des agriculteurs seront à la retraite d’ici dix ans et que le renouvellement des générations peine à se faire, il est temps de dépasser les postures et les clivages pour faire de la nécessaire transition écologique une chance pour les agriculteurs et les éleveurs.
La défense des agriculteurs français ne doit pas s’opposer aux enjeux de sobriété écologique. Elle passe aussi par une réforme de l’union douanière, afin de mieux encadrer les flux agricoles internationaux tout en respectant les droits des producteurs et des consommateurs.
 

Foire aux questions

Pourquoi les agriculteurs sont en colère ?

Les agriculteurs dénoncent un revenu insuffisant, une concurrence déloyale liée aux importations agricoles, et des injonctions contradictoires entre normes écologiques et accords commerciaux. Ils réclament plus de cohérence et de soutien.
 

Comment les mesures miroirs peuvent-elles aider les agriculteurs ?

Les mesures miroirs garantissent que les produits importés respectent les mêmes normes que les productions locales. Cela évite une concurrence déloyale et renforce la sécurité alimentaire.
 

Les accords commerciaux agricoles menacent-ils la souveraineté alimentaire ?

Oui, certains accords favorisent les importations de produits ne respectant pas nos normes. Cela fragilise les filières locales et peut nuire à la souveraineté et à la résilience alimentaire.
 

Quel est le lien entre politique agricole commune et crise agricole ?

La PAC actuelle ne compense pas assez les coûts de production durables. Elle manque d’équité et de soutien ciblé pour les agriculteurs en transition agroécologique.
 

Comment concilier transition écologique et revenu agricole ?

En encadrant les marges, en fixant des prix planchers et en soutenant les pratiques durables. La transition écologique devient ainsi une opportunité, non une charge.
 

Qu’est-ce qu’une clause miroir dans les accords commerciaux ?

C’est une disposition exigeant que les produits importés respectent les mêmes normes sanitaires et environnementales que les produits européens. Elle protège les agriculteurs locaux.
 

Pourquoi parle-t-on d’insécurité alimentaire en Europe ?

L’insécurité alimentaire peut découler de la dépendance aux importations agricoles peu contrôlées ou de la disparition progressive des exploitations locales. Le modèle agricole devient alors vulnérable.
 

Comment renforcer le soutien aux agriculteurs français ?

Il faut garantir des prix justes, encadrer les pratiques de la grande distribution et réorienter les aides publiques vers les pratiques vertueuses. L’État doit jouer un rôle régulateur fort.
 

Les revendications des agriculteurs sont-elles environnementalement compatibles ?

Oui. Les agriculteurs demandent surtout des moyens pour réussir la transition. En les accompagnant financièrement et structurellement, les objectifs écologiques peuvent être atteints.
 

Quel rôle peut jouer l’union douanière dans la crise agricole ?

L’union douanière pourrait intégrer des critères écologiques et sociaux aux frontières. Cela éviterait l’arrivée massive de produits ne respectant pas les standards européens.
 
 
 

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