Communiqué de presse

Mercosur : pourquoi refuser l'accord ne suffit pas

Publié le 14 novembre 2024 , mis à jour le 21 juillet 2025

Depuis des décennies, l’UE négocie tous azimuts des accords de commerce avec le Canada (CETA), le Japon (JEFTA) le Chili… 46 sont d’ores et déjà adoptés et des dizaines sur la table. Ces derniers multiplient les échanges de biens et services, et notamment de denrées agricoles entre les pays signataires, en octroyant des avantages commerciaux sans tenir compte des modes de production. L’accord avec le Mercosur, en discussion depuis 25 ans et dont le sort pourrait être scellé les 18 et 19 novembre prochains pendant le Sommet du G20 à Brasilia ou début décembre lors du sommet des Etats du Mercosur, exacerbe les tensions car il s'ajoute à la longue liste des concessions faites sur l'agriculture dans le cadre des accords de libre-échange. Pour le monde agricole, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Si le rejet de cet accord est indispensable, d’autres mesures seront aussi nécessaires pour résoudre les problèmes de fond du monde agricole.

Télécharger le communiqué de presse

Télécharger (format pdf - 631 Ko)

Face à la multiplication des accords commerciaux agricoles, dont celui avec le Mercosur, il est urgent de poser un cadre plus équitable. Ces accords aggravent la concurrence déloyale subie par les filières françaises et sapent les efforts de transition écologique. Des mesures miroirs sont indispensables pour garantir une réciprocité des normes sanitaires et environnementales.

À ce jour des échanges importants ont déjà lieu entre l'UE et les pays du Mercosur

190 000 tonnes de viande bovine ont été importées par l’UE depuis ces pays en 2021, auxquelles pourraient s’ajouter 99 000 tonnes en provenance du Mercosur à droits de douane réduits. Dans une étude conjointe, la Fondation pour la Nature et l’Homme, l’Institut Veblen et Interbev ont dressé l’état des lieux des contingents tarifaires existants et octroyés par les accords de libre-échange (CETA, Chili, etc. dont le Mercosur), pour la viande bovine. Au total, s’ils étaient complètement utilisés, ces derniers conduiraient à des importations représentant jusqu’à près de la moitié (44,5 %) des volumes d’aloyau produit dans l’UE[1].

Par ailleurs, les conclusions d’un contrôle mené en juin 2024 par la DG Santé de la Commission européenne soulignent l’incapacité des autorités brésiliennes à garantir le respect des exigences sanitaires européennes déjà en vigueur, comme l’interdiction d’importation de viande issue d’animaux traités aux hormones de croissance en place depuis 1996. Par ailleurs, les réglementations sont très différentes, en matière par exemple d’usage d’antibiotiques comme activateurs de croissance. Le respect de ces réglementations environnementales et sanitaires représente à lui seul un surcoût pouvant atteindre 8% pour la production de viande bovine européenne, d’après l’IDELE.

Cette asymétrie réglementaire nourrit également l’insécurité alimentaire, car elle favorise des systèmes de production opaques et peu traçables. À l’inverse, les normes de l’Union européenne visent à protéger la santé des consommateurs. Il est donc nécessaire de renforcer le rôle de l’union douanière dans le contrôle des importations agricoles.

Il n’existe aujourd’hui pas d'obligation que les produits importés respectent des normes équivalentes à celles européennes et le peu de normes déjà imposées aux produits importés ont donc peu de chance d'être respectées.

"Refuser la ratification de l’accord avec le Mercosur est indispensable mais pas suffisant pour empêcher ces importations aux conséquences délétères pour les filières agricoles. Il est urgent, comme nous l’exigeons de longue date, d’empêcher des importations de denrées agricoles produites avec des pratiques interdites en UE grâce à la mise en œuvre de mesures miroirs dans la réglementation européenne."

Thomas Uthayakumar, directeur du Plaidoyer à la FNH

Les revendications agricoles sont toujours sans réponse faute d'un diagnostic lucide des racines du problème

Suite aux mobilisations de janvier, de nombreux reculs environnementaux ont été entérinés, conduisant à la mise en pause de la transition agroécologique. Ces décisions n'ont évidemment pas amélioré la situation du monde agricole, qui fait toujours face à de sérieuses difficultés. En effet, en 2020, 16% des agriculteurs vivaient sous le seuil de pauvreté (avec des disparités selon les filières) selon Agreste, soulignant une crise majeure des revenus agricoles, mais aussi des inégalités entre agriculteurs et au sein des filières.

Les revendications des agriculteurs en janvier 2024, et plus largement les manifestations agricoles, ont exprimé un besoin profond de justice économique. Ce n’est pas en relâchant les règles environnementales qu’on y répondra, mais en assurant un soutien aux agriculteurs français aligné avec les objectifs de la politique agricole commune.

Les études de la FNH sur les filières d’élevage bovin en France l’ont précisément démontré, il existe un déséquilibre croissant dans le partage de la valeur. Sur le prix final d’une brique de lait demi-écrémé, la part reçue par un éleveur a baissé de 4% entre 2001 et 2022, alors que celles perçues par les entreprises agroalimentaires et la distribution ont respectivement augmenté de 64% et de 188%. De son côté, le secteur bovin viande est déjà au bord d’une catastrophe économique et industrielle, et l’accord commercial UE-Mercosur accélérerait cette dynamique.

Cette crise traduit également une fragilité du modèle agricole face aux aléas climatiques, géopolitiques et sanitaires.

Nos recommandations pour concilier environnement et équité

La FNH et l’Institut Veblen appellent le gouvernement français à remettre le cap sur l'environnement (plan ambition bio, Ecophyto, révision du PSN, etc.) et la Commission Européenne à mettre en cohérence sa politique commerciale avec ses ambitions environnementales, pour cesser d’hypothéquer la résilience de notre agriculture. Nous demandons de :

1/ Mettre en œuvre les mesures miroirs afin de conditionner l’accès au marché européen au respect des principales normes environnementales et sanitaires de production européennes et interdire les exportations de produits interdits dans l’UE vers les pays tiers. Ces mesures permettraient d’accélérer la transition agroécologique.

 2/ Assurer aux agriculteurs des revenus dignes, avec des modes de production cohérents avec les impératifs environnementaux

3/ Accompagner la transition agroécologique des agriculteurs pour leur permettre de réduire leurs coûts de production et d’être plus résilients face au changement climatique

Foire aux questions

Pourquoi l'accord Mercosur est-il controversé ?

Car il prévoit l’importation de produits agricoles qui ne respectent pas les normes européennes, aggravant la concurrence déloyale et fragilisant les filières françaises.
 

Qu’est-ce qu’un accord commercial agricole ?

C’est un traité entre pays facilitant les échanges de produits agricoles. Sans clauses strictes, il peut nuire aux standards sociaux, sanitaires ou environnementaux d’un pays.
 

Qu’est-ce qu’une mesure miroir ?

Il s’agit d’une règle imposant aux produits importés de respecter les mêmes normes que les produits européens, afin d’éviter une concurrence déloyale.
 

Pourquoi les agriculteurs manifestent-ils contre le Mercosur ?

Car ils dénoncent une concurrence injuste, l’absence de clause miroir (ou mesure-miroir) et l’abandon des exigences environnementales en faveur du libre-échange.
 

Quel lien entre le Mercosur et l’insécurité alimentaire ?

En favorisant des importations non conformes aux standards, l’accord peut affaiblir la traçabilité, la sécurité sanitaire et la souveraineté alimentaire.
 

En quoi la PAC est-elle concernée ?

La politique agricole commune est censée soutenir les agriculteurs européens. Or, les accords comme le Mercosur peuvent la contredire si aucune protection n’est instaurée.
 

Quels risques pour les normes sanitaires européennes ?

L’accord Mercosur risque de les contourner, en autorisant l’importation de produits issus de pratiques interdites dans l’UE (hormones, antibiotiques...).
 

Que réclament les agriculteurs français ?

Un juste partage de la valeur, une politique commerciale cohérente avec la transition écologique et un revenu digne pour tous les producteurs.
 

Quel rôle pour l’union douanière dans ce débat ?

Elle pourrait jouer un rôle central en conditionnant l’accès au marché européen au respect des normes européennes, via des mesures miroirs renforcées.
 

Peut-on refuser le Mercosur sans alternative ?

Non, car refuser sans proposer de solution durable laisse le système en crise. La FNH appelle à réformer les accords commerciaux avec une clause miroir.

Sources

[1] L’aloyau - qui regroupe des morceaux de choix comme le faux-filet ou la bavette - est un morceau clé de la carcasse bovine. Il ne représente que 18% du poids de cette dernière mais près d’un tiers de sa valeur sur le marché européen.

L'article vous a été utile pour mieux comprendre cette actualité ?

Pour approfondir le sujet

Mesures miroirs : un levier face à la crise agricole
Élevage bovin viande : un modèle à bout de souffle pour les éleveurs et la planète
Mesures-miroirs : le pilier de notre santé et de l’environnement