Défendre une agriculture sans pesticides

Mesures miroirs : l’Europe abandonne son agriculture

Publié le 20 février 2025 , mis à jour le 21 juillet 2025

Alors que l'agriculture européenne traverse une crise profonde, la lutte contre la concurrence déloyale aurait dû être un pilier central de la vision pour le futur de l'agriculture européenne présentée cette semaine. Pourtant, le Commissaire européen Christophe Hansen a relégué cette problématique au second plan, laissant de côté des mesures essentielles pour protéger les producteurs européens face à la concurrence déloyale liée à des normes inéquitables. Entre la distorsion de concurrence causée par des produits importés à bas coût et de multiples reculs environnementaux, l'Europe semble se détourner des solutions nécessaires à sa souveraineté alimentaire et à la préservation de ses standards environnementaux.

Le recul européen face à la concurrence déloyale : un revers pour l'agriculture

Le Commissaire européen, Christophe Hansen, a récemment dévoilé sa vision pour l’agriculture européenne. Cependant, contrairement aux engagements initialement affichés, la lutte contre la concurrence déloyale et la poursuite du déploiement du Pacte vert ne figurent plus parmi les priorités. Le document dévoilé ce mercredi met finalement de côté des mesures cruciales comme les mesures miroirs, qui auraient permis de garantir l’application des normes européennes sanitaires et environnementales aux produits importés. 

Les mesures miroirs, un des dispositifs clé pour rétablir une concurrence loyale, ont fait l’objet d’un engagement flou dans la vision politique partagée par le commissaire européen. Elles auraient pourtant permis d’imposer aux produits importés des normes équivalentes à celles en vigueur dans l’UE en matière sanitaire et environnementale. Se priver de ces outils représenterait un recul majeur qui pénalisera les producteurs européens, dont les produits respectent des critères environnementaux et sanitaires importants, pour un coût souvent plus élevé. Cette situation renforce l'injustice ressentie par les agriculteurs européens qui subissent une concurrence déloyale de produits importés à bas prix.

Ce refus d’intégrer une clause miroir dans les accords commerciaux agricoles renforce une concurrence déloyale structurelle. En l’absence de mécanismes contraignants, les importations agricoles continuent de contourner les normes sanitaires et environnementales imposées aux producteurs européens.

L'importation de produits à bas coût : un frein à la transition des producteurs européens

L’Europe continue d’importer des produits agricoles dont la production ne respecte pas les mêmes standards que ceux imposés aux agriculteurs européens. Des produits comme le soja OGM brésilien, le bœuf traité aux antibiotiques promoteurs de croissance ou encore les noisettes turques traitées avec des pesticides interdits en Europe, sont des exemples flagrants de distorsion de concurrence. Ces produits, souvent produits à bas coût, arrivent sur le marché européen et concurrencent directement les productions européennes, accentuant la perception d’injustice et de fragilité du secteur agricole pour s’engager dans la transition agroécologique.

L’accord de libre-échange avec le Mercosur, dont les négociations ont récemment abouti, a cristallisé les tensions entre les producteurs européens et les institutions de l’UE. En réduisant considérablement les droits de douane, cet accord ouvre les portes à une importation accrue de produits agricoles en provenance d’Amérique du Sud, où les normes environnementales et sanitaires sont souvent moins strictes qu’en Europe. Cette baisse des protections tarifaires fragilise encore davantage les producteurs européens, déjà confrontés à des prix plus élevés en raison des exigences réglementaires de l’UE.

L'accord Mercosur illustre aussi le manque de protectionnisme défensif dans une union douanière trop permissive. Sans cadre clair d’harmonisation des normes, ces accords compromettent la souveraineté alimentaire de l’Europe et sapent la confiance des filières agricoles nationales.

La simplification réglementaire et ses conséquences sur la transition écologique

Le désir de simplification réglementaire, souvent mis en avant par les institutions européennes, risque de compromettre la capacité de l'UE à défendre ses standards et à la renforcer. En allégeant les obligations imposées des acteurs économiques, notamment ceux en matière de respect des droits humains et de l'environnement, l'UE pourrait rendre plus difficile l’application de mesures de réciprocité sur les produits importés. La future loi Omnibus, qui allège certaines de ces obligations, pourrait ainsi fragiliser les efforts pour garantir la traçabilité et la conformité des produits en provenance des pays tiers et fragiliser les mesures miroirs qui pourraient rétablir un équilibre.

Pourtant, la lutte contre la concurrence déloyale ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des services publics. Le secteur privé, notamment les entreprises et les distributeurs, ont un rôle crucial à jouer. En soutenant l’application de normes élevées, les acteurs économiques peuvent contribuer à renforcer la durabilité de l’agriculture européenne. Cette mobilisation doit accompagner le déploiement de mesures politiques de régulation du commerce mondial au niveau européen.

L’agroécologie, une transition nécessaire pour la souveraineté alimentaire de l’Europe

Pour assurer un avenir durable et souverain pour l’agriculture européenne, l’UE doit impérativement accélérer sa transition agroécologique. Cette approche, qui mise sur des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, est essentielle pour restaurer la qualité des sols et préserver la biodiversité. Toutefois, cette transition ne pourra se faire sans une réforme profonde des politiques agricoles et sans des mesures concrètes pour garantir des prix justes aux producteurs qui choisissent cette voie. Le refus de mettre en œuvre des mesures comme les miroirs environnementaux constitue une erreur qui compromet cette transition.

La Politique Agricole Commune (PAC) doit être repensée pour répondre aux défis du XXIe siècle. Il est urgent de conditionner les aides financières aux fermes qui se lancent dans des pratiques agroécologiques et qui respectent des critères environnementaux stricts. L’agriculture européenne a besoin de soutien pour faire face à la concurrence mondiale, mais ce soutien doit être orienté vers des solutions durables et équitables. Cela nécessite une refonte complète de la PAC, qui doit intégrer des critères de durabilité à tous les niveaux, et non simplement se concentrer sur des aides directes sans contreparties.

Il devient urgent de renforcer le soutien aux agriculteurs français. La Politique Agricole Commune doit défendre une agriculture résiliente, capable de rivaliser avec les modèles agricoles exportés via des accords peu contraignants. C’est aussi une condition essentielle à la défense des agriculteurs français.

Solidarité internationale et mesures miroirs : harmoniser les standards agricoles mondiaux

Les mesures miroirs ne doivent pas être uniquement un instrument de protection des producteurs européens. Elles doivent également être vues comme un outil de solidarité internationale. L’UE a la responsabilité d’accompagner certains pays tiers dans l’amélioration de leurs standards agricoles pour qu'ils puissent continuer à accéder au marché européen. Cela passe par une aide financière ciblée et un accompagnement pour élever les exigences de production tout en permettant un commerce équitable et juste.

Enfin, il est crucial que l’Europe engage une véritable transition pour soutenir ses agriculteurs. Cela ne peut se faire sans garantir que les producteurs européens vivent dignement de leur travail. La répartition équitable de la valeur et la lutte contre les asymétries de pouvoir dans les filières agroalimentaires sont des priorités pour éviter une course effrénée à la compétitivité. Les décisions politiques actuelles risquent de maintenir un système où les agriculteurs sont les grandes victimes, au détriment de la durabilité et de la santé publique.

Foire aux questions

Pourquoi les mesures miroirs sont-elles essentielles à l’agriculture européenne ?

Les mesures miroirs permettent d’imposer aux importations agricoles les mêmes exigences que celles imposées aux producteurs européens. Elles assurent une concurrence loyale, protègent les normes sanitaires et environnementales, et soutiennent la transition écologique du secteur agricole.
 

Comment la concurrence déloyale affecte-t-elle les producteurs français ?

La concurrence déloyale expose les agriculteurs européens à des produits importés moins chers, souvent issus de modèles non durables. Cela fragilise leur compétitivité et peut freiner l’adoption de pratiques agroécologiques pourtant nécessaires à la durabilité.
 

Quels risques présente l’accord avec le Mercosur pour l’agriculture ?

L’accord Mercosur ouvre la voie à davantage d’importations agricoles sans garantir l’équivalence des normes. Cela accentue la distorsion de concurrence et nuit aux filières respectueuses de l’environnement, tout en affaiblissant la souveraineté alimentaire européenne.
 

En quoi consiste la clause miroir dans les échanges commerciaux ?

La clause miroir impose que les produits importés respectent les mêmes règles que les produits européens. Elle vise à limiter les distorsions de concurrence et à garantir que les normes sanitaires, environnementales ou sociales ne soient pas contournées.
 

Quelles sont les limites actuelles de la Politique Agricole Commune ?

La PAC reste trop focalisée sur les aides directes, sans conditionnalités assez fortes sur les pratiques durables. Elle devrait orienter davantage ses soutiens vers les exploitations agroécologiques et garantir une juste rémunération des producteurs engagés.
 

Comment l’harmonisation des normes pourrait-elle améliorer le commerce agricole ?

L’harmonisation des normes permettrait de mieux réguler le commerce international tout en garantissant une concurrence équitable. Elle favoriserait aussi une montée en qualité des produits importés et encouragerait des pratiques agricoles durables à l’échelle mondiale.
 

Le protectionnisme agricole est-il compatible avec une économie ouverte ?

Oui, s’il est pensé comme un levier de justice commerciale. Le protectionnisme peut permettre de défendre les filières agricoles durables, sans pour autant fermer les frontières. Il s’agit d’instaurer des règles du jeu équitables via des mesures miroirs.
 

Peut-on renforcer la souveraineté alimentaire sans exclure les pays tiers ?

Oui, en accompagnant les pays exportateurs dans l’amélioration de leurs normes. Les mesures miroirs doivent aller de pair avec une coopération technique et financière, afin de permettre à tous de concilier commerce et durabilité.
 

Quel rôle les normes sanitaires jouent-elles dans la transition écologique ?

Les normes sanitaires garantissent des pratiques respectueuses de la santé humaine et de l’environnement. Elles sont un pilier de l’agroécologie et de la qualité des produits agricoles. Leur respect est indispensable à une transition agricole durable.
 

Pourquoi soutenir les agriculteurs français face à la concurrence mondiale ?

Les agriculteurs français sont souvent pionniers dans des pratiques vertueuses. Les soutenir, c’est préserver un modèle agricole fondé sur la qualité, la durabilité et le respect des normes, contre des modèles fondés sur la quantité et le bas coût.
 

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