Projets soutenus

Deux jeunes se mobilisent pour sauver la mangrove à Mayotte

Publié le 29 juin 2022 , mis à jour le 20 juillet 2022

Darkaoui (34 ans) et Nassabia (26 ans), tous deux natifs de Mzouazia, village de 1 700 personnes du sud de l’île de Mayotte, mobilisent les habitants (usagers de la plage, agriculteurs, pêcheurs…) pour restaurer la mangrove. Cette bande verte entre la terre et l’océan est non seulement vitale pour la biodiversité, mais aussi pour les populations car elle les protège des aléas climatiques, comme la montée des eaux. Un projet soutenu Génération Climat, notre programme qui accompagne les 15-35 ans au passage à l’action.

Lors du confinement de 2019 que Darkaoui, conseiller à pôle emploi, et Nassabia, étudiante en sciences de la vie, prennent conscience que pour préserver les plages et la baie près de chez eux et qui sont endommagés, il est nécessaire d’agir en amont : ramasser les déchets, nettoyer et replanter des arbres aux abords des rivières, pour permettre le ruissellement de l’eau en période de pluie et protéger la mangrove. Ils fondent alors l’association Familles Rurales Tanafu Yatru Malézi, et lancent leur projet STEM (Sauvetage Total de l’Écosystème de la Mangrove-STEM).

La forêt de mangrove, un écosystème capital et un rempart contre l’océan

Les forêts de mangrove ont de nombreux bénéfices pour l’humain et la biodiversité. Elles constituent notamment d’importants puits de carbone : elles extraient jusqu'à cinq fois plus de carbone de l'atmosphère que les forêts terrestres, selon le PNUE.

Elles sont aussi un réservoir de biodiversité. Darkaoui compare la Mangrove à une armée : composée d’arbres et d’herbes, sentinelles de ces marécages où s’épanouit une flore riche et variée, c'est un lieu où viennent se reproduire une multitude de crabes, de mollusques et de poissons qui peuplent le lagon. Les mangroves sont d’ailleurs essentielles pour l'économie locale car elles fournissent une source de nourriture et permettent aux populations de vivre de la pêche.

200
millions de personnes dans le monde bénéficient des biens et services fournis par la mangrove [1]

Par ailleurs, la forêt de mangrove est aussi un rempart essentiel contre l’érosion marine et la montée des eaux, puisqu’elles atténuent la hauteur des vagues.

500
mètres de mangrove peuvent réduire la hauteur hauteur des vagues de 50 à 99% [2]

Pourtant, la mangrove est endommagée par la pollution et l’urbanisation

La couverture mondiale de la mangrove a été divisée par deux au cours des 40 dernières années selon l’Unesco. A Mayotte - comme dans la plupart des zones tropicales et subtropicales de littoral non rocheux où la mangrove se développe-, l’activité humaine est à l’origine de la détérioration de ce milieu méconnu et pourtant essentiel pour l’environnement.

Les déchets sauvages et les rejets d’eaux usées sont d’importants facteurs de pollution à Mayotte, notamment dans les villages en bordure de la mangrove. A cela s’ajoutent l’urbanisation croissante impliquant l’artificialisation du sol dont la construction de digues, de routes, et la surexploitation du milieu pour ses ressources (déforestation et surpêche) qui font de ces forêts de mangrove pourtant indispensables au maintien de l’équilibre, des milieux fortement fragilisés.

« Avant que ce soit dégradé, les bords de rivières étaient boisés, l’eau de source s’écoulait normalement, permettant à de nombreuses espèces nécessitant eau douce et eau salée de se développer. Aujourd’hui les nids de rivière jonchés de déchets à la saison sèche vont rapidement gonfler à la saison des pluies. Sans arbres pour retenir tous les déchets flottants et réguler le débit d’eau, les ordures, mais aussi la boue emportant les sédiments qui permettent à la mangrove de se régénérer, partent vers la mer. Ainsi, l’ensablement progresse et asphyxie la mangrove. »

Darkaoui, porteur de projet

Des opérations de nettoyage des nids de rivière et des plages tous les weekends

Tout commence vraiment en 2020, à l’occasion des fêtes de fin d’année, période à laquelle les familles se retrouvent sur la plage pour organiser des grillades géantes appelées « voulé ». Darkaoui et Nassabia lancent alors une grande opération de sensibilisation pour ramasser les déchets sur la plage de Mzouazia. Une manière d’appeler toutes les générations à agir pour œuvrer ensemble à un premier chantier de nettoyage des plages et des nids de rivière. Depuis, une quinzaine de bénévoles se relaient les week-end, durant les fêtes, étendant désormais le champ d’intervention à toute la baie, soit une dizaine de kilomètres.

© Familles Rurales Tanafu Yatru Malézi Mzouasia
© Familles Rurales Tanafu Yatru Malézi Mzouasia

Émerveiller et développer une fierté de son patrimoine, l’étincelle pour créer le déclic !

Dans le cadre d’une action globale de sensibilisation et d’éducation au respect de l’environnement, Darkaoui veut que son projet s’inscrive dans la durée avec le nettoyage régulier des sites et l’entretien des espaces protégés. Pour donner envie aux habitants de se réapproprier l’espace naturel et qu’ils prennent plaisir à évoluer dans des sites propres et préservés, il prévoit notamment le traçage d’un chemin de randonnée et la création d’un éco-musée à ciel ouvert pour mettre en valeur les ressources de Mayotte. Être fier de son patrimoine naturel lui semble le meilleur moyen de responsabiliser et de faire évoluer les comportements des usagers. Une conviction que nous partageons totalement à la FNH !

En parallèle, pour assurer la propreté des plages sur le long terme, Darkaoui et Nassabia souhaitent, avec l’appui des autorités locales, former une brigade verte pour évaluer et contrôler le nettoyage des espaces naturels.

© Familles Rurales Tanafu Yatru Malézi Mzouasia
© Familles Rurales Tanafu Yatru Malézi Mzouasia

Prochaine étape : replanter des arbres et améliorer le système d’assainissement local

Une fois les plages et les nids de rivière nettoyés, il est temps de planter des arbres pour permettre le ruissellement des rivières ! Des actions de plantations vont être organisées aux abords des trois rivières du village. Par ailleurs, avec l’appui de L'Office National des Forêts et la Direction de l'Agriculture et de la Forêt, STEM projette de nouer un accord avec les agriculteurs locaux, pour qu’ils laissent les rives boisées.

Une autre priorité : régler le problème à la source. Darkaoui et Nassabia vont se rapprocher des autorités locales pour trouver des solutions afin de faciliter l’accès à des points de retraitement des déchets et améliorer le système d’assainissement des eaux usées, aujourd’hui pratiquement inexistant.

Sources

[1], [2] - UNESCO

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