Défendre une agriculture sans pesticides

Loi Duplomb : quelles limites face aux pesticides ?

Publié le 16 mai 2025 , mis à jour le 07 août 2025

Face à une possible bascule historique, la Fondation pour la Nature et l’Homme décrypte ce qui se joue en coulisse et appelle les décideurs publics à faire preuve de lucidité et de responsabilité.

La loi Duplomb est censée faciliter l'usage de certains pesticides précédemment interdits en France. Mais qu’en est-il réellement sur le terrain ? Face à la présence persistante de résidus de pesticides dans l’environnement voire dans l’eau du robinet, l'orientation de ce texte questionne la trajectoire de réduction des pesticides affichée par la France.

À l’issue de l’examen  de la PPL Duplomb, la FNH alerte sur des reculs environnementaux graves, votés en conscience par les députés du socle commun et de la droite. Sous couvert de répondre aux mobilisations agricoles, largement instrumentalisées, ce texte sert en réalité les intérêts d’une minorité, en renforçant un modèle industriel dépassé : exploitations de grande taille difficiles à transmettre, usage accru de pesticides, réduction des contrôles, mépris pour le bien-être animal et affaiblissement du droit environnemental. Les vrais problèmes des agriculteurs – revenus et partage de la valeur, transmission, résilience face aux crises et aux aléas climatiques – restent ignorés. Décryptage de la situation.

Santé publique sacrifiée et retour des
néonicotinoïdes

L'article 1 constitue une attaque frontale contre la protection de la santé publique avec :

  • La suppression de la séparation cruciale entre vente et conseil pour les phytosanitaires.

Il s’agit là d’un conflit d'intérêts manifeste qui sabote les efforts collectifs de réduction des pesticides. En parallèle, la réforme de l'accompagnement des agriculteurs reste dangereusement insuffisante, ne fixant aucun cadre structuré pour répondre aux besoins réels du monde agricole dans sa transition.

  • La réautorisation des néonicotinoïdes, poisons notoires pour les pollinisateurs et l'environnement, qui représente un recul environnemental catastrophique et irresponsable.
  • Une disposition inacceptable obligerait désormais l'État à indemniser les exploitants en cas de retrait de produits toxiques encore autorisés dans l'UE, paralysant de fait la capacité de l'ANSES à protéger les Français contre des molécules dangereuses.
  • L’institutionnalisation du Comité des solutions, une instance opaque fonctionnant sans aucune transparence vis-à-vis de la société civile, renforçant un système qui échappe au contrôle citoyen.

Malgré nos demandes répétées au Ministère de l’Agriculture, la FNH n’a pas pu avoir accès aux travaux issus de ce comité alors qu’ils permettraient d’éclairer les actuels débats sur les impasses phytosanitaires rencontrées par la profession agricole.

Un doublement du nombre d’élevages industriels est à craindre

L'article 3 - aggravé par la commission des affaires économiques par rapport à la copie issue du Sénat - prévoit de :

  • Relever les seuils nécessitant enregistrement et autorisation
    environnementale pour les élevages industriels, facilitant l'expansion d'élevages hors-sol qui ne représentent pourtant que 2 à 3% des exploitations.
  • Sous couvert de protéger l’élevage français, cet article est en train de trahir notre modèle d’élevage, encore majoritairement à taille humaine et reposant encore sur les prairies. Avec cet article, le nombre d’exploitations industrielles et leur nombre d’animaux pourraient doubler demain, au détriment de l’environnement, de notre santé et du bien-être animal.
  • Malgré l'opposition de 85% des Français à l'élevage intensif, un  amendement supprime les réunions publiques avant l'installation  ou l'agrandissement d'élevages industriels, ignorant sciemment leurs impacts sur les riverains (pollution de l’eau, pollution de l’air, odeur  nauséabonde, risques d’accidents industriels, etc).

Loin de simplifier le quotidien des éleveurs, ces mesures créent de l'insécurité juridique par l'anticipation incertaine d'évolutions législatives européennes et l'évaluation environnementale au cas par cas plutôt que systématique.

En réalité, cette loi reste controversée sur des aspects essentiels : les conditions réelles d'encadrement et à quoi servent les pesticides dans une stratégie agricole durable. Sans évaluation rigoureuse des alternatives, la portée du texte est limitée. Les experts dénoncent un manque d'ambition à l'heure où l'impact des pesticides sur la santé humaine, notamment les pesticides cancérigènes, et la réduction des pesticides devraient guider les décisions politiques. Cette réautorisation controversée mine également la confiance des consommateurs envers les labels bio, que les citoyens associent légitimement à une garantie de sécurité alimentaire et environnementale.

Foire aux questions

1. Qu'est-ce que la loi Duplomb exactement ?

La loi Duplomb est une proposition de loi française définitivement adoptée le 8 juillet 2025. Officiellement intitulée "lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur", elle vise à réautoriser l'usage de certains pesticides précédemment interdits, notamment des néonicotinoïdes, sous certaines conditions dérogatoires ou à faciliter l'installation d'élevage de grande taille malgré les risques qu'ils font peser sur l'environnement.

2. Quels pesticides sont réautorisés par la loi Duplomb ?

La loi permet principalement la réintroduction de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Elle ouvre également la voie à une réautorisation pour trois ans renouvelables de plusieurs autres néonicotinoïdes, substances surnommées "tueurs d'abeilles" en raison de leur impact sur les pollinisateurs.

3. Pourquoi les néonicotinoïdes avaient-ils été interdits ?

Ces pesticides avaient été interdits car ils sont particulièrement toxiques pour les abeilles et autres pollinisateurs. Ils perturbent le système nerveux des insectes, causent des troubles de l'orientation et contribuent au déclin des populations d'abeilles, essentielles à la pollinisation et à la biodiversité.

4. Qui a proposé cette loi et pourquoi ?

La loi porte le nom de son rapporteur. Elle répond aux demandes de certains agriculteurs qui affirment manquer d'alternatives efficaces pour protéger leurs cultures contre certains ravageurs, notamment dans des filières comme la betterave sucrière face aux pucerons verts.

5. Quelles sont les principales critiques formulées contre la loi Duplomb ?

Les opposants dénoncent un recul environnemental majeur qui va à l'encontre des objectifs de réduction des pesticides. La Ligue contre le cancer s'inquiète d'une aggravation de l'exposition aux pesticides. Les écologistes qualifient ce texte de "loi poison" et alertent sur les risques pour la santé publique et la biodiversité.

6. Y a-t-il eu une mobilisation contre la loi Duplomb ?

Oui, une mobilisation sans précédent. Une pétition demandant l'abrogation de la loi a recueilli plus de 2 millions de signatures, pulvérisant tous les records de participation citoyenne sur ce type de sujet. Cette mobilisation témoigne de l'inquiétude profonde des citoyens. Alors où nous écrivons ces lignes, de nouvelles signatures continuent d'affluer.

7. La loi Duplomb prévoit-elle des conditions d'usage strictes ?

Bien que des conditions dérogatoires soient mentionnées, les critiques soulignent que ces encadrements restent insuffisants pour garantir la protection de l'environnement et de la santé. Les autorisations sont prévues pour trois ans renouvelables, ce qui inquiète les défenseurs de l'environnement.

8. La loi Duplomb est-elle compatible avec les objectifs du Plan Écophyto ?

Non, cette loi entre en contradiction avec les ambitions du Plan Écophyto qui vise à réduire l'usage des pesticides en France. Elle représente un pas en arrière par rapport aux engagements pris en matière de transition agroécologique et de protection de la biodiversité.

9. Quel impact sur les consommateurs et la qualité alimentaire ?

Les inquiétudes portent sur une potentielle augmentation des résidus de pesticides dans les aliments et l'eau. La réautorisation de substances toxiques pourrait compromettre la qualité sanitaire des produits alimentaires et aggraver l'exposition des consommateurs à des molécules dangereuses.

10. Existe-t-il des alternatives à ces pesticides réautorisés ?

C'est le cœur du débat. Tandis que les promoteurs de la loi affirment qu'il n'existe pas d'alternatives efficaces, les opposants soutiennent que des solutions agroécologiques existent mais nécessitent un accompagnement et des investissements dans la recherche et le développement de pratiques durables. Le manque d'alternatives reflète aussi un sous-investissement dans l'innovation agricole écologique.

Comment agir à nos côtés pour une agriculture durable et juste !

👉 Se faire sa propre idée et donner son avis en répondant à 6 questions sur la loi Duplomb : 

👉 Interpeller les députés en étant le plus nombreux possible  

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