Dans l’émission Sur le Front diffusée ce lundi 10 novembre sur France 2, Hugo Clément s’intéresse aux accords de libre-échange qui facilitent une grande partie de nos importations de produits alimentaires produits en dehors de l’Union européenne. Sur le papier, ces accords de libre échange, à l’image de ceux signés avec le Canada ou la Nouvelle-Zélande, visent à faciliter le commerce. Mais dans les faits, ils écrasent nos agriculteurs, ignorent les conditions de production déplorables dans les pays exportateurs, détruisent la biodiversité, amplifient le dérèglement climatique et mettent en danger la santé des consommateurs. L’accord UE-Mercosur, sur le point d’être soumis au vote 27 états-membres de l’EU, est sans doute le plus dangereux d’entre eux. Mais, si refuser le Mercosur est indispensable, à la Fondation, nous restons tout de même convaincus qu’un autre commerce international est possible. Pour y parvenir, commençons par mettre en place des mesures-miroirs.
C’est quoi le problème des accords de libre-échange, en particulier de l’Accord UE-Mercosur dont on parle tant aujourd’hui ?
Sur le Front, l’émission d’Hugo Clément, nous emmène dans les coulisses des accords de commerce qui régissent une grande partie des importations de denrées alimentaires que l’on retrouve tous les jours dans nos assiettes sans le savoir : viande bovine élevée dans des feedlots, nourrie au soja OGM responsable de la déforestation et aux antibiotiques activateurs de croissance, agneaux soumis à des pratiques à l’opposé du bien-être animal, lentilles traitées au glyphosate juste avant la récolte, noisettes pulvérisées avec pas moins de 15 insecticides, dont 4 hautement cancérigènes, interdits en UE parfois depuis 30 ans … etc. Avec Thomas Uthayakumar, directeur des programmes de la FNH, nous avons été aux côtés de l’équipe d’Hugo Clément pour dresser un constat sans appel : la façon dont sont construits les accords de libre-échange est néfaste à tous points de vue et le pire est à venir avec l’accord UE-Mercosur, sur le point d’être soumis au vote.
Mesures miroirs : un levier pour la souveraineté alimentaire
Pourquoi l'accord UE-Mercosur est-il si dangereux ?
Cet accord contourne nos règles et nos valeurs. Non seulement l’accord EU-Mercosur conclu avec le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay ouvrirait nos marchés à des produits agricoles produits avec des pratiques interdites en Europe :
Déforestation pour produire du soja OGM et de la viande bovine à bas coût.
Antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance,
Conditions d’élevage néfastes pour les animaux ,
Pesticides dangereux autorisés,
Mais, cerise sur le gâteau : les produits exportés en France et en Europe (on parle particulièrement de viande bovine) le seraient à des prix imbattables, mettant en concurrence déloyale les agriculteurs européens qui, eux, respectent des normes imposées en Europe depuis des dizaines d’années pour protéger notre santé et les écosystèmes.
« Pire encore, ce texte menacerait toute politique future de protection de la nature, du climat et de la santé. Le danger ne vient pas seulement du contenu de l’accord UE-Mercosur, mais de sa logique même »
Thomas Uthayakumar
Directeur des programmes et du plaidoyer de la FNH
Ce texte contient en effet une disposition qui permettrait aux pays du Mercosur de contester certaines normes environnementales européennes jugées trop contraignantes, au motif qu’elles entravent le commerce prévu dans l’accord. Cette disposition créerait un précédent qui menace l’instauration de futures normes favorables à l'environnement ou à la santé publique.
« Autrement dit, cet accord rendrait quasiment impossible pour les pays européens d’aller plus loin dans la protection de l’environnement ou de la santé publique.» explique Thomas Uthayakumar. « Chaque nouvelle loi européenne impactant les importations, qu’elle vise à réduire les pesticides, à améliorer le bien-être animal ou à renforcer la qualité sanitaire, risquerait d’être contestée par les pays du Mercosur au nom de la liberté du commerce. Et chaque fois qu’un pays européen voudrait aller plus loin dans la protection de la nature ou de la santé, il se retrouverait face à une concurrence déloyale. C’est un accord où l’UE est doublement perdante ».
Comment encourager nos agriculteurs à poursuivre leurs efforts en matière de réduction d’utilisation des pesticides, par exemple, si des produits moins chers et moins-disants inondent le marché ?
Cet accord porterait un coup fatal à la construction d’une agriculture durable en France et en Europe.
Comment faire dans un contexte de mondialisation ? Faut-il arrêter de commercer ?
La réponse est non. La Fondation n’est pas contre le commerce mondial. « On doit pouvoir continuer à échanger avec d'autres pays, qu’ils soient voisins ou plus éloignés, mais pas n’importe comment, ni sans garde-fous », précise Thomas Uthayakumar. Un accord de libre-échange est aujourd’hui construit pour mettre en concurrence tous les acteurs, c’est la logique “David contre Goliath”. Le plus petit des paysans se retrouve en concurrence avec les plus gros industriels. Cela crée une iniquité sociale et environnementale. Nous défendons donc le passage d’un libre-échange débridé au juste échange encadré. Et pour cela, le seul instrument qui permette de protéger les agriculteurs, l'environnement et la santé : ce sont les mesures miroirs -déjà utilisées avec succès par le passé- accompagnées de mesures de soutien pour faire évoluer les filières des pays exportateurs.
Les mesures-miroirs : un maillon essentiel pour commercer autrement
Les mesures-miroirs, c’est l’idée selon laquelle les produits agricoles importés en Europe doivent respecter les mêmes règles que celles imposées aux agriculteurs européens, par exemple en matière d’usage de pesticides ou de bien-être animal. Ces règles plus justes permettraient de rétablir une concurrence plus équitable, tout en encourageant les efforts du monde agricole pour faire évoluer les pratiques vers l’agroécologie.
Les mesures miroirs sont donc un morceau du puzzle indispensable pour poser les bases d’un commerce international plus juste et respectueux de la nature et des Hommes. La Fondation pour la Nature et l’Homme se bat depuis 10 ans pour faire des mesures-miroirs une priorité politique en France et en Europe.
Pour garantir un véritable juste échange, la Fondation plaide aussi pour que les mesures-miroirs soient complétées par des mesures de solidarité internationale.
Pour avoir des mesures-miroirs efficaces, il ne suffit pas de refuser l’importation de produits ne respectant pas nos normes sociales ou environnementales : il faut aussi cesser d’exporter vers d’autres pays des pesticides que nous jugeons trop dangereux pour être utilisés chez nous, mais que nous fabriquons et exportons vers des pays tiers qui les utilisent encore et qui exportent ensuite vers l’UE les denrées alimentaires traitées avec ces mêmes produits ! Lever cette incohérence est également une condition essentielle pour bâtir un commerce international juste et équitable.
Et parce que la solidarité ne se résume pas à interdire : la Fondation plaide aussi pour accompagner la transformation des filières d’approvisionnement agricoles et alimentaires dans les pays partenaires de l’UE. Cela implique d’aider les producteurs à s’engager dans des démarches d’agroécologie et de commerce équitable, en mobilisant à la fois les entreprises et leurs fournisseurs - à travers le devoir de vigilance et les obligations issues des nouvelles réglementations européennes (CSRD, reporting extra-financier, etc.) - et les États européens, qui doivent soutenir les efforts de structuration dans les pays tiers, notamment grâce à l’aide au développement.
« En soutenant cette logique, l’Europe et la France contribueraient à bâtir un système d’échanges plus juste qui encouragerait les efforts de transition de nos agriculteurs, grâce aux mesures miroirs, et aiderait les agriculteurs des pays partenaires à élever leurs standards sociaux et environnementaux. C’est cela, le sens du juste échange que nous portons à la Fondation. Mais Il manque une volonté politique forte pour que cela devienne réalité ».
Thomas Uthayakumar
Directeur des programmes et du plaidoyer de la FNH
Signer notre pétition pour mettre en place des mesures-miroirs !
Pendant que la Commission européenne tente de faire voter l’accord UE-Mercosur, la Fondation rappelle que de nombreux députés européens se sont déjà engagés auprès d’elle et son partenaire, l’Institut Veblen, à porter les mesures-miroirs et à renforcer la transition agroécologique.
Regarder la vidéo "Mesures miroirs : les députés s'engagent"
Le Commissaire à l’agriculture s’est lui-même positionné en faveur de ce type de mesures lorsqu’il a présenté sa vision pour le futur de l’agriculture européenne en février dernier.
Pour nous aider à mettre en place les mesures-miroirs, joignez votre voix à la nôtre en signant notre pétition déjà soutenue par plus de 101 000 citoyens et citoyennes.
Ensemble, ouvrons la voie à un commerce plus juste. Demandons des mesures-miroirs pour les agriculteurs, la planète et notre santé !