Alors que l'agriculture européenne traverse une crise profonde, la lutte contre la concurrence déloyale aurait dû être un pilier central de la vision pour le futur de l'agriculture européenne présentée cette semaine. Pourtant, le Commissaire européen Christophe Hansen a relégué cette problématique au second plan, laissant de côté des mesures essentielles pour protéger les producteurs européens face à la concurrence déloyale liée à des normes inéquitables. Entre la distorsion de concurrence causée par des produits importés à bas coût et de multiples reculs environnementaux, l'Europe semble se détourner des solutions nécessaires à sa souveraineté alimentaire et à la préservation de ses standards environnementaux.
Le Commissaire européen, Christophe Hansen, a récemment dévoilé sa vision pour l’agriculture européenne. Cependant, contrairement aux engagements initialement affichés, la lutte contre la concurrence déloyale et la poursuite du déploiement du Pacte vert ne figurent plus parmi les priorités. Le document dévoilé ce mercredi met finalement de côté des mesures cruciales comme les mesures miroirs, qui auraient permis de garantir l’application des normes européennes sanitaires et environnementales aux produits importés.
Les mesures miroirs, un des dispositifs clé pour rétablir une concurrence loyale, ont fait l’objet d’un engagement flou dans la vision politique partagée par le commissaire européen. Elles auraient pourtant permis d’imposer aux produits importés des normes équivalentes à celles en vigueur dans l’UE en matière sanitaire et environnementale. Se priver de ces outils représenterait un recul majeur qui pénalisera les producteurs européens, dont les produits respectent des critères environnementaux et sanitaires importants, pour un coût souvent plus élevé. Cette situation renforce l'injustice ressentie par les agriculteurs européens qui subissent une concurrence déloyale de produits importés à bas prix.
L’Europe continue d’importer des produits agricoles dont la production ne respecte pas les mêmes standards que ceux imposés aux agriculteurs européens. Des produits comme le soja OGM brésilien, le bœuf traité aux antibiotiques promoteurs de croissance ou encore les noisettes turques traitées avec des pesticides interdits en Europe, sont des exemples flagrants de distorsion de concurrence. Ces produits, souvent produits à bas coût, arrivent sur le marché européen et concurrencent directement les productions européennes, accentuant la perception d’injustice et de fragilité du secteur agricole pour s’engager dans la transition agroécologique.
L’accord de libre-échange avec le Mercosur, dont les négociations ont récemment abouti, a cristallisé les tensions entre les producteurs européens et les institutions de l’UE. En réduisant considérablement les droits de douane, cet accord ouvre les portes à une importation accrue de produits agricoles en provenance d’Amérique du Sud, où les normes environnementales et sanitaires sont souvent moins strictes qu’en Europe. Cette baisse des protections tarifaires fragilise encore davantage les producteurs européens, déjà confrontés à des prix plus élevés en raison des exigences réglementaires de l’UE.
Le désir de simplification réglementaire, souvent mis en avant par les institutions européennes, risque de compromettre la capacité de l'UE à défendre ses standards et à la renforcer. En allégeant les obligations imposées des acteurs économiques, notamment ceux en matière de respect des droits humains et de l'environnement, l'UE pourrait rendre plus difficile l’application de mesures de réciprocité sur les produits importés. La future loi Omnibus, qui allège certaines de ces obligations, pourrait ainsi fragiliser les efforts pour garantir la traçabilité et la conformité des produits en provenance des pays tiers et fragiliser les mesures miroirs qui pourraient rétablir un équilibre.
Pourtant, la lutte contre la concurrence déloyale ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des services publics. Le secteur privé, notamment les entreprises et les distributeurs, ont un rôle crucial à jouer. En soutenant l’application de normes élevées, les acteurs économiques peuvent contribuer à renforcer la durabilité de l’agriculture européenne. Cette mobilisation doit accompagner le déploiement de mesures politiques de régulation du commerce mondial au niveau européen.
Pour assurer un avenir durable et souverain pour l’agriculture européenne, l’UE doit impérativement accélérer sa transition agroécologique. Cette approche, qui mise sur des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, est essentielle pour restaurer la qualité des sols et préserver la biodiversité. Toutefois, cette transition ne pourra se faire sans une réforme profonde des politiques agricoles et sans des mesures concrètes pour garantir des prix justes aux producteurs qui choisissent cette voie. Le refus de mettre en œuvre des mesures comme les miroirs environnementaux constitue une erreur qui compromet cette transition.
La Politique Agricole Commune (PAC) doit être repensée pour répondre aux défis du XXIe siècle. Il est urgent de conditionner les aides financières aux fermes qui se lancent dans des pratiques agroécologiques et qui respectent des critères environnementaux stricts. L’agriculture européenne a besoin de soutien pour faire face à la concurrence mondiale, mais ce soutien doit être orienté vers des solutions durables et équitables. Cela nécessite une refonte complète de la PAC, qui doit intégrer des critères de durabilité à tous les niveaux, et non simplement se concentrer sur des aides directes sans contreparties.
Les mesures miroirs ne doivent pas être uniquement un instrument de protection des producteurs européens. Elles doivent également être vues comme un outil de solidarité internationale. L’UE a la responsabilité d’accompagner certains pays tiers dans l’amélioration de leurs standards agricoles pour qu'ils puissent continuer à accéder au marché européen. Cela passe par une aide financière ciblée et un accompagnement pour élever les exigences de production tout en permettant un commerce équitable et juste.
Enfin, il est crucial que l’Europe engage une véritable transition pour soutenir ses agriculteurs. Cela ne peut se faire sans garantir que les producteurs européens vivent dignement de leur travail. La répartition équitable de la valeur et la lutte contre les asymétries de pouvoir dans les filières agroalimentaires sont des priorités pour éviter une course effrénée à la compétitivité. Les décisions politiques actuelles risquent de maintenir un système où les agriculteurs sont les grandes victimes, au détriment de la durabilité et de la santé publique.
Hier soir, députés et sénateurs ont trouvé un accord en Commission Mixte Paritaire (CMP) sur le texte de loi d'orientation agricole. Nous l'avons déploré depuis des mois, ce texte s'est éloigné progressivement de ses objectifs initiaux, à savoir installer massivement des paysans et accélérer la transition agroécologique.Nous restons consternés par la promotion d’un modèle agricole productiviste dont la situation actuelle(conditions de vie des agriculteurs, impacts environnementaux, résilience, souveraineté) devrait en elle-même suffire à le discréditer et à s'en éloigner.
La FNH appelle au rejet du texte lors des votes finaux à l’Assemblée Nationale et au Sénat ainsi qu’à la plus grande vigilance et fermeté quant à la proposition de loi de Laurent Duplomb, examinée au Printemps.
Selon Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer à la Fondation : "la copie actuelle trahit les promesses faites aux agriculteurs et à la société civile de fixer un cap pour répondre aux défis environnementaux et du renouvellement des générations”.
Au milieu d’une longue liste de reculs environnementaux, la FNH salue seulement le retour des objectifs de développement des surfaces en bio, arrachés de haute lutte après des mois de mobilisation.
Le Salon International de l’Agriculture, est le rendez-vous incontournable du monde agricole. Il revient pour sa 61e édition sous le thème « L'Agriculture, cette fierté française ». Nous sommes fiers d'y participer à nouveau cette année pour démontrer qu’il est possible de permettre l’accès à une alimentation bio et durable au plus grand nombre et d'offrir aux agriculteurs et éleveurs les conditions socio-économiques pour faire évoluer leurs pratiques vers l’agroécologie.
En proposant trois tables-rondes les 24 et 27 février, nous mettrons en lumière les défis et les opportunités de l’agroécologie pour notre santé, celle de la nature et dans la vie quotidienne des agriculteurs et agricultrices qui la pratiquent.
📅 Date : Lundi 24 février à 9h30
📍 Lieu : Stand Max Havelaar France, hall 4, stand C034
🙌 Intervenants : Emmanuel Vasseneix président de la Laiterie de Saint-Denis-De-l’Hôtel, LSDH), Jérôme Chapon président de l’Association des producteurss de lait Pour le Bien Collectif, APBLC), Pascal Robert, responsable des relations agricoles chez Leclerc.
Les mobilisations agricoles s'enchaînent. Trois lois sur les relations commerciales dans l’agriculture ont été adoptées et une quatrième est en préparation. Dans ce contexte, la FNH veut mettre en lumière un enjeu clé : le partage de la valeur dans l’élevage bovin, où la pauvreté est la plus forte du secteur agricole. Nos études sur l’élevage laitier et allaitant montrent l’ampleur du problème. Cette conférence explorera une solution porteuse d’avenir, à la fois juste pour les éleveurs et qui peut être bénéfique pour la nature : les contrats tripartites.
📅 Date : Jeudi 27 février à 14 h.
📍 Lieu : Stand Max Havelaar France
🙌 Intervenants : Sarah Pecas, directrice de la mobilisation des acteurs du territoire, et Marie Rapaud, chargée de mission alimentation (FNH), Grégory Meche, directeur de la Caisse des écoles du 20e, Un directeur de CROUS (À confirmer)
Dans la restauration collective, la loi EGalim a lancé une dynamique pour contribuer à la transition agroécologique, à table et dans les territoires. Malgré les difficultés du quotidien, les acteurs de la restauration collective jouent tous les jours un rôle indispensable… À travers des témoignages de cantines engagées dans la démarche Mon Restau Responsable®, nous verrons comment il leur est possible de proposer des repas savoureux, bons pour la santé et respectueux de la nature, tout en soutenant des filières agricoles durables et rémunératrices pour les agriculteurs.
📅 Date : Jeudi 27 février, 11h30
📍 Lieu : Stand Max Havelaar France, hall 4 stand C034
🙌 Intervenants : FNH, Institut Veblen
En partenariat avec l’Institut Veblen, nous ferons le point sur les avancées européennes concernant les mesures miroirs et leur impact sur la souveraineté alimentaire.
📍 Le Salon se tiendra au Parc des Expositions de Paris, Porte de Versailles.
Retrouvez-nous au Pavillon 4 sur le stand Max Havelaar France. Pour réserver vos billets, rendez-vous sur le site officiel du Salon de l’Agriculture
Alors que le Sommet de l’élevage s’est ouvert ce 1er octobre et qu'une nouvelle ministre de l’Agriculture vient d'être nommée (Annie Genevard), la FNH souhaite l’interpeller sur la situation de l’élevage bovin en France, nécessitant lucidité et ambition.
En effet, les exploitations allaitantes comme laitières sont largement subventionnées pour des éleveurs gagnant moins d’un smic horaire (211% du résultat des exploitations allaitantes [1] et 84% de celui des exploitations laitières [2] pour un revenu respectif de 0,6 smic et 0,9 smic horaire [3]), avec un phénomène de captation indirecte des aides publiques par l’aval (l’industrie agroalimentaire et la grande distribution).
"La Ministre va vraisemblablement donner des gages à la profession agricole lors de son déplacement, mais aura-t-elle le courage politique d’assumer la nécessité de mesures structurelles pour concilier rémunération des éleveurs et pratiques agroécologiques ? Sans inflexion majeure du modèle agricole et commerciale, le nombre d’éleveurs va continuer à s’effondrer et la résilience des exploitations sera largement hypothéquée. Nous avons des propositions et nous espérons que le gouvernement s’en saisira pour offrir un avenir à ces filières ".
Sources
[1] Moyenne de la part des subventions sur le Résultat Courant Avant Impôt total des exploitations, entre 2010 et 2021
[2]Moyenne de la part des subventions sur le Résultat Courant Avant Impôt total des exploitations, entre 2011 et 2021.
[3]Revenu des éleveurs allaitants et laitiers en 2021, ramené au nombre d’heures travaillées.
Découvrez ce qui se joue au coeur de nos assiettes grâce à ce livret pour comprendre et agir.
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🍽️ Découvrez ce que notre assiette ne nous dit pas
Je télécharge le livret (format pdf - 11 Mo)À la maison et au restaurant, la viande et les produits laitiers sont des incontournables de nos assiettes. D’ailleurs, notre consommation de produits animaux a doublé depuis 50 ans et ce n’est pas sans conséquence. D’une part, pour répondre à cette demande, les pratiques d’élevage s’intensifient au détriment du climat, de la biodiversité, de la qualité de l’eau et des sols. D’autre part, de plus en plus d’éleveurs se paupérisent et des exploitations ferment en nombre : -30% en 10 ans !
Une double impasse écologique et sociale qui semble sans issue. Mais est-ce vraiment le cas ? À la Fondation pour la Nature et l’Homme, nous sommes persuadés que l’agroécologie est la solution pour protéger l’avenir des éleveurs, des consommateurs et de la planète.
Découvrez dans ce livret des clés de compréhension pour vous faire un avis et agir avec nous !
Persuadée qu’il est possible de concilier la préservation du climat et de la biodiversité avec un élevage rémunérateur, la Fondation travaille depuis 2 ans à identifier les causes profondes de la détresse des éleveurs et à démontrer que l’agroécologie est la voie à suivre. A l’occasion du Sommet de l’élevage qui se réunit du 1 au 4 octobre à Clermont-Ferrand, elle publie un nouveau rapport inédit sur l’élevage allaitant et formule 5 recommandations pour sortir d’un modèle qui s’intensifie au détriment de l'environnement, des éleveurs de plus en plus pauvres et des contribuables.
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Éleveurs allaitants : changer de logique pour sortir de l'impasse
Je télécharge le rapport (format pdf - 2 Mo)Durant plusieurs mois, la Fondation pour la Nature et l’Homme a travaillé avec l’appui technique du bureau d’analyse sociétale LE BASIC pour identifier les causes socio-économiques responsables de la crise qui touche depuis des années les éleveurs de bovins destinés à la production de viande (aussi appelés éleveurs allaitants). Dans son nouveau rapport, elle révèle une réalité pour le moins déconcertante : les exploitations spécialisées en bovins viande sont les exploitations les plus soutenues financièrement par les subventions de la Politique Agricole Commune (PAC) : 50 302 euros en moyenne par exploitation, contre une moyenne de 33 618 euros pour les autres orientations technico-économiques (en 2020). Depuis 1988, le montant des subventions reçues a connu une forte tendance à la hausse, sans que cela se traduise pour autant par une hausse des revenus des éleveurs, au contraire (le taux de pauvreté des éleveurs allaitants est de 22 % en 2020 et ils font partie des agriculteurs aux revenus les plus bas).
Jusqu’à quand continuerons-nous à augmenter nos subventions vers un élevage qui rémunère de moins en moins ses éleveurs ? Ces aides publiques masquent des difficultés structurelles dont les agriculteurs sont les premières victimes et qui menacent à terme le modèle herbager français .
Dans son rapport, la Fondation pour la Nature et l’Homme a identifié et analysé les causes d’une rentabilité qui décroit :
II est important de se rendre compte que les subventions reçues par les éleveurs sont indirectement captées par l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Pour autant, ces maillons connaissent eux aussi des difficultés économiques, ce qui nous interroge. Il faut donc poser un constat lucide sur une filière qui pourrait péricliter faute de réflexion sur le modèle d’élevage à promouvoir, sur nos modes de consommation et sur le partage de la valeur entre les différents maillon.
Notre consommation de produits animaux a doublé depuis 1950 : nous mangeons davantage de fromage, de volaille, de charcuterie, ou encore de plats préparés carnés. Hélas, cette consommation effrénée a entraîné l'industrialisation d'une grande partie de l’élevage français et, avec elle, des impacts néfastes pour la planète, notre santé et les éleveurs.
Notre alimentation représente presque 1/4 de nos émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles, 80 % sont liées à l’élevage[1] et sont produites essentiellement par la digestion des ruminants, la production de l'alimentation animale et les déjections.
Les élevages, en particulier intensifs, sont vulnérables aux aléas climatiques. Pourquoi ?
Au contraire, les élevages en agroécologie sont plus résilients face à tous ces chocs, notamment grâce à une diversification des productions, à la présence de races rustiques (plus résistantes et adaptées à leur territoire) et à la présence de haies pour offrir de l’ombre aux animaux et aux cultures, ainsi que pour réguler le cycle de l’eau et nourrir le sols [2].
Cette pollution provient de l’usage d’engrais de synthèse pour produire l’alimentation animale et l’épandage d’effluents d’élevage (fumier, lisier…) qui produisent des nitrates. Elle est surtout issue des élevages intensifs de porcs, volailles et d’élevages laitiers, qui regroupent beaucoup d’animaux sur de petites surfaces. C'est d'ailleurs le cas du Nord de la Bretagne, où la présence de nombreux élevages à forte densité a causé la production d'algues vertes.
Pour toutes ces raisons, remplacer la viande de bœuf par de la viande de porc ou de volaille issues d’élevages intensifs n’est pas une bonne idée ! Si leur production entraîne moins d’émissions de gaz à effet de serre que la viande bovine, elles sont à l’origine d’autres effets néfastes pour l’environnement.
En France, l’agriculture est la 1ère activité consommatrice d’eau, en particulier en raison du maïs, qui représente 60% des cultures irriguées [4]. Ce maïs est majoritairement destiné à l'exportation et à l’alimentation des animaux d'élevages intensifs... et plus il y a d'animaux avec des objectifs de production élevés, plus les besoins sont importants.
A savoir qu’il existe d’autres sources de consommation d’eau dans l’élevage, mais dans des proportions moindres comme l’abreuvement des animaux (saviez-vous qu’une vache consomme entre 50 et 150 litres d’eau par jour ?[5]) ou encore le nettoyage des bâtiments et des équipements.
Les élevages reposent parfois sur des monocultures intensives pour produire l’alimentation animale. Ces productions sont très dépendantes des pesticides et engrais de synthèse, dont l’utilisation massive est une des premières causes d’effondrement de la biodiversité ! Il existe néanmoins d’autres systèmes plus extensifs, notamment l’élevage pâturant respectueux et favorable à la biodiversité, en particulier l’élevage bovin à l’herbe.
Par ailleurs, en France, nous importons 2,6 millions de tonnes de tourteaux de soja chaque année pour nourrir les animaux d’élevage ! Ce soja vient à 70 % d’Amérique du Sud (Brésil et Argentine principalement). Problème : ce soja majoritairement OGM contribue à la déforestation et reçoit de nombreux pesticides, la plupart interdits en Europe !
Le bien-être animal dépend directement du niveau d’intensité de l’élevage et aussi du type d’élevage. Hélas, en France :
Qu’en est-il des vaches élevées pour leur viande ? Globalement, les élevages bovins destinés à la viande se distinguent nettement des autres élevages sur le bien-être animal : ils ont accès à l’extérieur toute l’année pour pâturer. Néanmoins, la phase de « finition », c’est-à-dire l’engraissement de l’animal quelques mois avant son abattage, se fait en intérieur et de façon intensive. Elle a lieu en France pour les bœufs et dans d’autres pays (Italie principalement) pour les broutards (veaux de 8 mois environ), après avoir été transportés vivants.
Plus d’⅓ des Français dépasse les niveaux de consommation de viande rouge recommandés par le Programme national nutrition santé (500 g /semaine). Est-ce grave docteur ? Oui ! La surconsommation de protéines animales est associée à des risques accrus de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, cancers, diabète...), ainsi qu’à une sous-consommation de fibres, pourtant essentielles pour notre santé : elles préviennent de maladies comme l’obésité, le diabète, le cancer ou le cholestérol.
Consommer au moins 25 g de fibres par jour nécessite donc de rééquilibrer son alimentation en favorisant les produits végétaux !
Aujourd’hui, les éleveurs sont les grands perdants de ce système intensif à plusieurs niveaux :
Les causes de cette situation : des exploitations de plus en plus grandes (et donc plus coûteuses) sont nécessaires pour produire plus à moindre coût, les prix des engrais de synthèse et de l’alimentation animale augmentent et la répartition de la valeur entre tous les acteurs de la filière est inégalitaire, au détriment des éleveurs.
Avec toutes les difficultés économiques subies par les éleveurs, le nombre d’exploitations diminue (- 30 % en 10 ans), ainsi que le cheptel français (ensemble des animaux d’élevage). Or, notre consommation ne diminue pas pour autant ! Le problème :
Nous dédions 64 % de notre surface agricole utile à la production d'aliments pour nos animaux ! Pour la produire, nous importons la majorité des engrais de synthèse nécessaires aux cultures intensives. Comme cette production est insuffisante, nous importons également de l’alimentation animale d’autres pays.
Résultat : nous n'avons pas suffisamment de surfaces pour cultiver des aliments dédiés à l'alimentation humaine, comme des légumes secs, des fruits ou des légumes, ce qui nous oblige à les importer.
Ces dépendances sont une menace pour notre souveraineté alimentaire car les prix de ces importations sont liés aux cours mondiaux et peuvent parfois exploser en cas d’aléas géopolitiques, comme cela s’est passé au début de la guerre en Ukraine.
Sources
[1] Réseau Action Climat
[2] CIVAM, Réseau Action Climat. (2023). Résilience de l’agroécologie face aux crises économiques et climatiques.
[3] CGAAER. (2022). Évaluation du coût du changement climatique pour les filières agricoles et alimentaires.
[4] Vie Publique. (2023). Eau et agriculture : sept questions sur les retenues de substitution (ou "méga-bassines")
[5] IDELE
[6] CIWF France. COCHONS & TRUIES
[7] WWF (2019). Viande : manger moins, manger mieux
[8] AFPF
[9] Le taux d’endettement correspond au rapport des dettes sur le total de l’actif.
[10] Agreste (2022). GRAPH’AGRI 2022
[11] La France Agricole. (2022). Renouvellement des générations : Assurer la relève des forces vives.
[12] Selon l’INSEE, entre juin 2020 et juin 2022, le prix a augmenté de +136 % pour les engrais, de +179 % pour le gazole, de +111 % pour les céréales.
[13] VizAgreste, rubrique «Évolution du nombre d’exploitations»
[14] ,[15] FranceAgriMer. (2023). La consommation de viandes en France en 2022.
La loi d’orientation agricole sera votée ce 28 mai à l’Assemblée Nationale. Malgré un an et demi d’échanges, une grande concertation (à laquelle les organisations de la société civile ont participé), et quelques minces progrès, les ambitions de la loi ont été réduites à peau de chagrin au fil des mois. A titre d’exemple, la loi facilite le déploiement d’élevages classés ICPE, alors que seulement 3% des élevages sont concernés[1], plutôt que de soutenir les 97% restants à adopter des modèles résilients.
"Ces dernières semaines, la boussole du gouvernement a été de satisfaire des demandes ne bénéficiant qu’à une minorité d’agriculteurs, et non de préparer les nouvelles générations agricoles à affronter les défis du siècle. Nous appelons le Sénat à faire preuve de discernement et à prendre en compte les maux structurels de l’agriculture, plutôt qu’à céder à la démagogie".
Enfin, pour la FNH, les quelques améliorations obtenues à la marge de ce texte[2] ne sauraient faire oublier la présence de reculs inacceptables, qui envoient l’agriculture française dans le mur et risquent de contrevenir au droit environnemental[3].
Sources
[1] On parle ici d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement qui sont soumises à une autorisation au regard des risques potentiels qu’elles peuvent présenter pour l’environnement et la santé humaine.
[2] Quelques mentions dans les orientations générales du texte constituent des progrès par rapport à la version initiale (la “préservation du pâturage” et le respect de la Stratégie Nationale Bas Carbone mentionnés à l’article 1, l’importance de l’agroécologie et de l’agriculture bio dans les politiques d’installation et de transmission) mais ne sont pas assorties de leviers concrets. Enfin, la FNH salue le rétropédalage du gouvernement sur les surfaces en bio et en légumineuses qui avaient été retirées dans le code rural, qui ont finalement permis d’actualiser via ce projet de loi nos objectifs en fixant de nouvelles cibles : 21% de surface agricole utile en bio et 10% en légumineuses d’ici 2030.
[3] Le Conseil d’État a en effet proposé de ne pas retenir l’article 15 prévoyant l’accélération des procédures précédentes, pointant les risques de constitutionnalité. La défenseure des droits, quant à elle, souligne que cet article porte atteinte au droit de recours des citoyens.
Pour le climat, notre santé, la biodiversité et un revenu digne pour les éleveurs, il est indispensable de réduire notre consommation de produits animaux et de choisir des produits durables lorsque nous en consommons. Mais qu’est-ce que cela veut dire au quotidien ? Quels labels choisir pour manger “mieux” de viande et de produits laitiers ? On vous dit tout.
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Viande et produits laitier : découvrez ce que notre assiette ne nous dit pas
Je télécharge le livret (format pdf - 11 Mo)Pour une alimentation équilibrée pour notre santé et pour la planète, voici quelques recommandations :
Au quotidien, équilibrez votre assiette grâce à :
Et par jour :
Le changement d’habitudes alimentaires ne peut en aucun cas reposer uniquement sur le consommateur ! Nos décideurs, la grande distribution et les entreprises agroalimentaires ont un rôle central à jouer, car :
La FNH mobilise les décideurs pour que ce “moins et mieux” de produits animaux soit accompagné et que tous les acteurs de la chaîne (industrie agroalimentaire et grande distribution) soient mis à contribution, grâce à différentes propositions :
Sources
[1] Idele. (2023). Conduite de jeunes animaux croisés lait x viande à l’herbe.
[2] WWF Food Habits Survey, 2022.
Oreillette, c’est le prénom de la vache normande choisie pour représenter le Salon de l’Agriculture 2024. Oreillette est belle, gourmande en herbe et elle produit du bon Camembert de Normandie (AOP). Mais cette image bucolique n’est pas le reflet de toute la profession. Loin de là ! Aujourd’hui, seul 1 camembert sur 10 vendu en France est sous AOP. Les 9 restants sont fabriqués de façon industrielle, en très grande majorité par 3 entreprises agroalimentaires. Et la réalité, c’est que les éleveurs qui produisent le lait voient leur part sur le prix final du camembert baisser année après année : -11 % en 20 ans, tandis que les marges de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution augmentent (de 61 % et de 39 % respectivement).
A l’occasion du SIA, il est important de rappeler que les éleveurs sont les grands perdants de la consommation de masse des produits laitiers. Oreillette est représentative d’un élevage plus durable et plus rémunérateur mais qui est aujourd’hui en voie de marginalisation. L’industrialisation de la filière (illustrée par le marché du camembert) profite au secteur de l’aval au détriment des éleveurs.
Avec 82% de vaches normandes, le système herbager dans lequel s’inscrit Oreillette est favorable à la transition agroécologique. En effet, le modèle AOP Camembert de Normandie a une part d’herbe de 74%, une alimentation sans soja OGM déforestant et offre aux éleveurs un prix du lait supérieur au conventionnel[1].
Hélas, il n’est pas représentatif du secteur laitier français et semble même menacé, puisque les pratiques agricoles en Normandie sont de plus en plus intensives. En réalité : seulement 7,8 % des vaches laitières françaises sont de race normande et 80 % du lait collecté en France est produit de manière conventionnelle (donc sans signe de qualité).
Le marché global du camembert (et la bataille qui se joue entre le camembert AOP et le camembert industriel) illustre bien les enjeux de la filière laitière :
Ce transfert de valeur symbolique se traduit par une captation de la valeur économique du camembert par l’aval. Sur le prix final d’un camembert, la FNH a ainsi calculé que la part reçue par l’éleveur a baissé de 11 % en 20 ans, alors que la marge de l’industrie agroalimentaire a augmenté de 61 % et celle de la grande distribution de 39 %.
La FNH reste convaincue qu’il existe des modèles d’élevage - à soutenir - liant rémunération et durabilité environnementale (à condition de fixer des critères sur le terroir, l’environnement et la gouvernance). Néanmoins, sans rémunération digne des éleveurs et avec un marché oligopolistique, la transition agroécologique restera impossible et sauver l’élevage, restera un vœu pieux.
La FNH plaide donc pour une transition de la filière laitière vers plus de durabilité en réorientant les subventions publiques (qui représente en moyenne 84% des revenus des éleveurs) et au travers d’un meilleur partage de la valeur. Cela passe par la promotion de modes de production plus durables, qui répondent aux principes suivants :
• Des systèmes extensifs et herbagers, privilégiés par certaines AOP (dont le camembert AOP fait partie) et surtout par l’Agriculture Biologique. Rappelons que cette dernière garantit le non-recours à des pesticides ou engrais de synthèse avec des critères plus stricts de bien-être animal ;
• Un ancrage territorial pour avoir une traçabilité du lait, mais aussi des savoir-faire artisanaux valorisés ;
• Une gouvernance démocratique renforcée et un meilleur contrôle des prix et des volumes afin de garantir des revenus aux éleveurs.
1. Une plus grande régulation des marchés avec :
• un prix plancher de la matière première agricole
• l’encadrement des marges
• et la transparence sur les marges nettes de chaque acteur
2. La création d’un fonds mutualisé de transition agroécologique à partir de 15% des bénéfices des entreprises de l’aval.
3. L’augmentation des enveloppes des « programmes opérationnels » pour renforcer les Organisations de Producteurs.
4. L’accompagnement de toutes les AOP dans une démarche de progrès :
• en termes de gestion des volumes
• en termes environnementaux
5. Le renforcement des budgets de communication pour les AOP exigeantes d’un point de vue environnemental et pour l’agriculture biologique.
Sources
[1] Ces éléments sont issus de la moyenne des pratiques observées pour les élevages de cette AOP, qui sont donc plus vertueuses que les critères minimaux fixés par le cahier des charges
La Fondation pour la Nature et l’Homme, INTERBEV et l’Institut Veblen publient un nouveau rapport appelant à la mise en oeuvre de mesures miroirs afin d'accélérer la transition agroécologique. Objectif : démontrer en quoi l’application effective de ces mesures est clé pour mettre en cohérence la politique commerciale de l’UE avec ses objectifs environnementaux et sanitaires. Les trois organisations entendent faire de cette nécessité une priorité pour le nouvel exécutif européen. En complément de ce travail, des études de cas ont été réalisées avec différentes filières pour illustrer les conséquences concrètes de l'absence de réciprocité des normes sur les agriculteurs européens.
Pourquoi est-il urgent de mettre en place des mesures miroirs ?
Un rapport réalisé en collaboration avec l'Institut Veblen et INTERBEV
Télécharger le rapport (format pdf - 3 Mo)Dans leur rapport, les trois organisations rappellent que l’application de mesures miroirs répond au besoin de mise en cohérence de la politique commerciale européenne avec les politiques agricoles et environnementales. En effet, l’absence de mesures de réciprocité expose certaines filières agricoles françaises et européennes à une concurrence déloyale et les consommateurs à des risques sanitaires. Une incohérence qui aggrave la situation de certains agriculteurs, déjà en détresse économique et qui fait l’impasse sur les impacts environnementaux subis dans les pays tiers.
La multiplication des accords de commerce établis ces dernières années comme le CETA avec le Canada ou le récent accord avec la Nouvelle-Zélande accentue encore cette concurrence déloyale. En effet, ces accords facilitent l’entrée sur le marché de denrées agricoles produites selon des normes environnementales ou sanitaires moins exigeantes qu’en Europe. Une tendance qui devrait encore se renforcer à mesure que de nouveaux accords sont signés, comme avec le Chili ou le Mexique ou encore en cours de négociation avec les pays du Mercosur ou l’Australie.
Ainsi, la mise en place de mesures miroirs apporterait une partie de la réponse à la crise agricole et à l’urgence écologique à l’échelle européenne :
Mais aussi à l’échelle des pays tiers qui commercent avec l’UE :
A l’échelle internationale, ces mesures conduiraient à l'adoption de normes plus ambitieuses et contraignantes, en particulier pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris ou le Cadre Mondial de Kunming-Montréal.
En complément du rapport, 5 études de cas ont été réalisées sur la viande bovine, la viande ovine, le soja, la noisette et le riz. Elles apportent des éclairages édifiants sur les impacts des différences de pratiques sur l’environnement, le sanitaire et le bien-être animal, ainsi que sur la distorsion de concurrence subie par les filières européennes en raison de certaines de ces divergences réglementaires entre l’Union européenne et des pays tiers.
Quelques éléments clés à retenir :
Les 3 organisations appellent à ce que le prochain mandat européen soit celui de la concrétisation de la mise en place pérenne de mesures miroirs. L’objectif ? systématiser leur intégration dans les textes européens, et ainsi permettre aux agriculteurs et éleveurs de produire durablement sans subir de concurrence déloyale, en conformité avec les objectifs du Pacte vert européen. A défaut, les futurs députés européens doivent adopter le réflexe mesures miroirs lors de l’élaboration des futurs textes, notamment en matière d’agriculture ou d’environnement pour répondre à plusieurs enjeux.
Sur l’élevage, le bien-être animal et les conditions sanitaires :
Sur l’utilisation de pesticides et d’OGM :
Les acteurs économiques doivent également être mobilisés pour s’assurer du respect de ces mesures miroirs, en complément des pouvoirs publics, aussi bien en Europe que dans les pays tiers.
Le prochain mandat européen doit enfin être synonyme de mise en cohérence de la politique commerciale de l’Union avec l’adoption et l’application de mesures miroirs dans les textes européens et respecter les engagements de l’accord de Paris pour le climat et le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal. L’objectif étant de garantir que les accords de commerce dont l’UE est signataire :
Dès lors, l’UE et les Etats membres doivent s’engager à refuser tout accord qui ne serait pas aligné sur ces critères minimaux.
La Fondation pour la Nature et l'Homme travaille depuis longue date sur les blocages à lever pour une agriculture sans pesticides et un élevage local et écologique en France. Elle vous convie au Salon de l'Agriculture le 27 février pour vous présenter ses dernières publications sur le sujet et ses propositions pour résoudre la crise agricole.
Participez à nos conférences, sur le stand 4C034 - Max Havelaar (hall 4) :
Nos experts et plusieurs agriculteurs seront mobilisés pour démêler le vrai du faux sur la crise agricole et répondre aux questions suivantes :
👉 Faut-il sacrifier l’écologie pour aider les agriculteurs ?
👉 L'écologie peut-elle, au contraire, être une chance pour l'avenir de l'agriculture française ?
👉 Concurrence déloyale : quel est le problème et quelles sont les solutions ?
👉 Rémunération des agriculteurs : comment créer un juste partage de la valeur ?
30 % des élevages ont disparu en 10 ans[1] et le nombre d’installés ne compensent que 2/3 des départs[2]. Les difficultés à transmettre sont connues : la difficile accessibilité financière de certaines fermes, une inadéquation entre l’offre de fermes à reprendre et la demande des porteurs de projet (taille, type de production) et la faible attractivité du métier d’éleveur. Face à ces problématiques, certains cédants et/ou repreneurs se tournent vers une restructuration et une diversification des productions de fermes d’élevage pour assurer l’installation-transmission. Si le phénomène reste encore minoritaire, il a déjà fait ses preuves sur un certain nombre d’exploitations. Quels sont les bienfaits socio-économiques et environnementaux de cette solution ? Quel est son coût ? Quels moyens pour rendre possible sa généralisation à l’occasion du projet de loi de finances pour le budget 2024 (PLF 2024) et du Pacte-Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles (PLOAA) ?
C’est à ces questions que répondent la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, la Fondation pour la Nature et l’Homme et Terre de Liens dans une nouvelle étude, intitulée « Un horizon pour les fermes d’élevage : restructurer-diversifier ».
Un horizon pour les fermes d’élevage : restructurer-diversifier
Télécharger le rapport (format pdf - 11 Mo)Il s’agit de la reconception du système agricole d’une exploitation grâce à la réorientation de son activité, de la production principale et de l’usage des terres et des bâtiments. La réorientation du système agricole se traduit généralement par la déspécialisation, c’est-à-dire par un arrêt de la mono-production, au profit d’une diversification des productions mises en place sur la ferme ; l’augmentation des actifs agricoles ; et l’adoption de pratiques agroécologiques.
Convaincus que la restructuration-diversification est une solution clé à enclencher pour répondre au problème de la transmission de certaines fermes d’élevage et au besoin d’accélérer la transition agroécologique, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique et Terre de Liens ont tenu à analyser de façon très concrète les conséquences et les modalités de cette pratique. Pour cela :
Au terme de ce travail, plusieurs conclusions se dégagent. Restructurer et diversifier les fermes :
Si des études complémentaires sont à mener pour approfondir ces conclusions, il est déjà possible d'affirmer que les restructurations-diversifications sont l’une des solutions pour permettre à l’élevage de relever les deux défis structurels auxquels il est confronté.
Interrogés sur leur expérience de restructuration-diversification, les porteurs de projet ont pointé 3 freins principaux :
À l'approche d’opportunités législatives, telles que le projet de loi de finances pour le budget 2024 et le Pacte-Loi d’Orientation et d’Avenir agricoles, nos trois organisations formulent des recommandations de politiques publiques visant à accélérer et multiplier les restructurations-diversifications :
Évaluées par la FNH et notées « D », les politiques publiques actuelles ne permettront ni de préserver l’élevage bovin en France, ni de réduire son impact environnemental. Une véritable stratégie de planification écologique de ce secteur est pourtant à portée de main.
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Elevage bovin : comment sortir de l'impasse ?
Télécharger (format pdf - 9 Mo)À l’heure où la planification écologique s’enclenche, la Fondation pour la Nature et l’Homme apporte sa contribution au débat en publiant « Élevage Bovin : Comment sortir de l’impasse ? ». Avec le soutien technique du BASIC, la Fondation dresse un état des lieux de la double impasse environnementale et socio-économique dans laquelle l’élevage bovin se trouve.
Elle identifie deux potentielles trajectoires futures : une trajectoire “business-as-usual” vers laquelle nous nous dirigeons si rien n’est fait pour infléchir la tendance et une trajectoire “agroécologique” si un élevage durable était généralisé.
Pour connaître la trajectoire vers laquelle les politiques publiques actuelles orientent l’élevage bovin, la FNH a passé au crible les politiques publiques censées promouvoir le “moins et/ou mieux” de ce secteur. Sont-elles en capacité de résoudre le double problème humain et écologique ? Orientent-elles l’élevage bovin vers un système agroécologique, passant par moins et mieux de production et de consommation de produits animaux ?
Le résultat est clairement insuffisant et le constat sans appel : sans inflexion rapide, la situation des éleveurs va empirer et l’impact environnemental de l’élevage bovin s’accentuer. Pour sortir de cette impasse, la Fondation pose sur la table des propositions, de la fourche à la fourchette, permettant de garantir un avenir à l’élevage bovin français.
Depuis 50 ans, 3 grandes tendances structurelles sont à l'œuvre au sein des exploitations bovines : l’agrandissement-concentration des exploitations, la spécialisation des territoires et des exploitations et l’intensification des pratiques agricoles et d’élevage. Ce schéma s’est progressivement imposé pour beaucoup d’agriculteurs comme la seule issue pour faire des économies d’échelle et essayer de dégager un revenu. Mais elle alimente l’impasse socio-économique et environnementale.
Pour objectiver les impacts des deux trajectoires identifiées, la FNH les a croisées avec 15 indicateurs socio-économiques et environnementaux. Pour ce faire, la FNH s’est appuyée sur la grille d’analyse des enjeux de durabilité du système alimentaire français mise au point par le BASIC en 2020[1]. Développée à partir d’une large revue de littérature et représentée sous la forme d’une « boussole » inspirée de la théorie du donut, cette grille rend lisible les principaux effets de différents modèles agricoles sur les éleveurs, l’environnement, et la société. Si rien n’est fait pour mettre un coup d’arrêt à ces tendances, les impacts environnementaux et socio-économiques de l’élevage bovin pourraient continuer à s’empirer.
Pourtant, il existe un modèle d’élevage agroécologique [2] qui peut être généralisé à condition de réduire les volumes de production et de consommation. Ce modèle est aussi plus pertinent pour les éleveurs. L’efficacité économique des fermes laitières en agroécologie, et plus particulièrement en agriculture biologique, est respectivement de 60% à 99% supérieure à celle des fermes du RICA[3].
La Fondation a recensé une trentaine de politiques publiques portant sur l’agriculture et l’alimentation depuis l’an 2000, et a sélectionné celles censées promouvoir le “moins et/ou mieux” de production et de consommation de produits animaux (21 politiques publiques). Leur pertinence pour la transition agroécologique de l’élevage bovin a été évaluée selon 3 critères : le niveau d’ambition et la capacité d’impact de la mesure, les moyens mobilisés, le niveau de mise en œuvre. L’évaluation montre clairement qu’elles ne sont pas en capacité d’infléchir la trajectoire « business as usual » et de promouvoir une trajectoire « agroécologique ». Les principales conclusions à retenir :
Le PLOA peut porter sur les tendances de concentration-d’agrandissement, de spécialisation, et d’intensification qui empêchent le renouvellement des générations et ont de forts impacts environnementaux, freinent la résilience des exploitations et ont des impacts sur le bien-être des éleveurs.
Mais pour être efficace sur ces éléments, le PLOA doit être conjugué à d’autres politiques publiques ciblant tous les maillons de la chaîne, afin de permettre une transition de l’ensemble de la filière.
À l’approche d’échéances législatives importantes pour la filière, avec le PLOA, mais aussi la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat, le Projet de Loi de Finances, la nouvelle version de la Stratégie Nationale Bas Carbone et une éventuelle révision à mi-parcours du PSN, la Fondation souligne l’importance de :
1. Adopter une gouvernance interministérielle de la transition agroécologique et alimentaire ;
2. Faire évoluer l’environnement alimentaire (donc l’offre de la distribution, restauration hors domicile et des industries agroalimentaires) afin d’inciter à consommer moins et mieux de produits animaux et plus de végétaux ;
3. Mettre un terme aux tendances d’agrandissement-concentration, de spécialisation et d’intensification des pratiques au travers une réglementation plus contraignante sur la taille des exploitations et une restructuration des élevages difficiles à transmettre ;
4. Lancer une réflexion pour réguler les volumes, les prix, et le partage de la valeur au sein des filières ;
5. Réguler les échanges commerciaux pour réduire la concurrence internationale déloyale que subissent les éleveurs bovins ;
6. Refondre les enveloppes financières existantes en modulant les soutiens à l’élevage pour l’orienter vers une baisse des volumes de production et une amélioration des pratiques.
Sources
[1] BASIC. (2020). Étude des démarches de durabilité dans le domaine alimentaire : annexe méthodologique détaillée.
[2] Majoritairement pâturant, autonome pour l’alimentation animale, utilisant pas ou peu d’intrants chimiques.
[3] Réseau Civam (2022). L’Observatoire technico-économique des systèmes bovins laitiers. Edition 2022. En ligne
Envie d’adopter une alimentation plus saine, respectueuse de la planète, sans augmenter votre budget ? Pensez à intégrer les légumineuses dans vos menus ! Manger des lentilles, haricots, pois chiches, fèves, et pois secs est un éco-geste facile, bon pour la santé, l’environnement et… délicieux ! On vous explique.
Le secteur agricole représente 25% des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France, dont 80 % sont liées à la production animale. Pour relever le défi climatique, nous devons réduire d’au moins 19 % les émissions de GES du secteur agricole d’ici 2030 et de 46 % d’ici 2050. Comment y arriver ? Réduire notre production et consommation de produits animaux est l’un des pré-requis. Intégrer les légumineuses, riches en protéines végétales, dans notre alimentation est une excellente alternative aux protéines animales pour préserver la planète, mais aussi sa santé et son porte-monnaie !
Au moins deux fois par semaine selon le Programme National Nutrition Santé (PNNS). Et tous les jours selon EAT-Lancet, groupe d’experts pour un régime de santé planétaire, qui a intégré les enjeux environnementaux dans ses recommandations. Cependant, 40 % des Français qui en consomment seulement une fois par semaine (Crédoc). Vous en faites partie ? Cet article vous fera sans doute changer d’avis !
C’est important d’intégrer les légumineuses dans nos repas, pour leur teneur en fibres en particulier et parce qu’elles représentent une bonne alternative à la viande. Un atout pour notre porte-monnaie, surtout dans le contexte actuel ! Un kilo de légumineuses coûte entre 3 et 6 euros et vous aurez de quoi faire plusieurs repas pour faire durer le plaisir (entre 10 et 14 repas pour un kilo de lentilles par exemple).
Il est difficile de faire le tour des légumineuses : il existe 600 variétés et presque 23.000 espèces ! Elles sont consommables sous diverses formes : fraîches avant maturité (petits pois, fèves), en légumes secs à maturité (lentilles, haricots, pois chiches, lupins) en farine pour en faire des galettes et du pain, sous forme de lait ou de tofu pour le soja… Les légumineuses sont déclinables dans des recettes à l’infini : houmous, falafels, tartinades, cassoulet ou chili végétarien, cuites avec des légumes et une garniture aromatique, elles sont aussi délicieuses en soupe, en accompagnement, en purée, gratins, salades … mais aussi en dessert !
Les légumineuses sont par ailleurs une base de la « cuisine du placard » : l’épicerie sèche, longue durée de conservation, à toujours avoir sous la main. Rapides à préparer : hormis la période de trempage (facile à anticiper et inutile pour les lentilles et les pois cassés), et le plus faible volume d’eau nécessaire à leur cuisson, elles peuvent être cuisinées de manière aussi simple que les pâtes ou le riz ! En version express, très pratiques aussi, on les trouve déjà cuites en conserve.
Pour la cuisson des graines sèches : une pincée de bicarbonate dans l’eau de cuisson améliore leur digestibilité pour les intestins sensibles. La température idéale est de 90°C dans un bouillon avec une garniture aromatique. Ne salez qu’à mi-cuisson.
Ne jetez pas l’eau de cuisson de vos pois chiches (appelée aquafaba) : elle remplace parfaitement les blancs d’oeufs en cuisine et monte même en neige !
Pour les nourrir, les mono-cultures céréalières intensives ont recours aux engrais azotés. Le problème ? Les engrais azotés sont fabriqués à partir de gaz et 60% d’entre eux sont importés. Par ailleurs, leur épandage génère des gaz à effet de serre, appauvrit les terres agricoles, pollue l’eau et menace la biodiversité !
Or, les légumineuses n’ont pas besoin d’intrants chimiques pour leur développement puisqu’elles ont la capacité naturelle de fixer l’azote présent dans l’air, de le réinjecter dans leurs racines pour leur propre développement, mais aussi pour celui des cultures suivantes. Elles sont ainsi un engrais naturel, et donc indispensables dans l’agroécologie, dont agriculture biologique !
Introduire des légumineuses dans les monocultures de céréales permet de réduire de 50% la consommation d'énergie de ces dernières (moins d’énergie utilisée pour la fabrication des engrais azotés et moins d’épandage de pesticides nécessaire). Source : ADEME
Aujourd’hui, les deux tiers des légumes secs consommés par les Français sont importés. Par ailleurs, la France importe 3,5 millions de tonnes de soja chaque année pour nourrir ses animaux d’élevage (Greenpeace), soit plus de 1 850 terrains de foot. Ce soja vient majoritairement de terres déforestées en Amazonie. Il y a donc urgence à réduire notre consommation de viande, pour réduire notre dépendance au soja importé, et à développer les filières de légumineuses pour notre alimentation.
2 millions d’hectares d’ici à 2030 c’est l’objectif affiché par le gouvernement en 2019 dans son plan protéines végétales. Où en sommes-nous ? Aujourd’hui près d’un million d’hectares sont semés (soja, pois, légumes secs, luzerne, légumineuses fourragères…) et majoritairement destinés à l'alimentation animale. Pour atteindre l’objectif, il est donc nécessaire d'accélérer et d’orienter une partie significative de ces cultures vers l’alimentation humaine.
Faudra-t-il produire plus pour nourrir les 9,5 milliards d’habitants sur terre en 2050 ? Une agriculture sans pesticides pourrait-elle relever le défi ? Est-ce vraiment possible de réduire notre consommation de viande sans mettre en péril les éleveurs français ? Alors qu’en France l’agriculture est le deuxième secteur le plus émetteur, que la biodiversité s’effondre et que nos agriculteurs ne parviennent plus à vivre décemment de leur travail, nous démêlons le vrai du faux sur l’avenir de notre modèle agricole et alimentaire avec Marc Dufumier, agronome, enseignant-chercheur à AgroParis Tech et membre du Conseil scientifique de la FNH.
❌ Faux. Les problèmes de la faim dans le monde n’ont rien à voir avec un manque de nourriture. Il est tout à fait possible de nourrir la planète entière sans pesticides puisqu’on produit déjà suffisamment de nourriture. Le vrai problème réside dans la répartition des revenus pour avoir accès à l’alimentation.
Quelques chiffres éclairants :
Les cultures spécialisées des pays en développement (café, cacao, banane, soja…), au détriment des cultures vivrières, ont non seulement rendu maints pays dépendants de l’occident pour leur alimentation, mais elles ne leur permettent pas non plus de dégager des revenus suffisants pour acheter de quoi se nourrir.
Les pays riches, quant à eux, captent tous les surplus, nourrissent des animaux en surnombre, (à noter qu’il faut entre 3 et 10 calories végétales pour produire une calorie animale), consomment des agrocarburants et gaspillent à tout va, tout en détruisant la planète avec un modèle agricole très énergivore, polluant et qui, s’il a permis d’accroître la production pour répondre à la pénurie d’après-guerre, est aujourd’hui obsolète, s’insurge Marc Dufumier.
❌ Faux. La réponse tient en un mot : l’agroécologie. Là où l’agriculture conventionnelle spécialisée a uniformisé, simplifié et pour finir appauvri et fragilisé les écosystèmes, l’agroécologie permet de redynamiser les territoires : on n’éradique plus les adventices (mauvaises herbes), ravageurs et autres agents pathogènes, mais on vit avec et on minore leurs prolifération et les dommages. Comment ? En conservant une grande biodiversité végétale et animale, sauvage et domestique, et en jouant des interactions que les uns et les autres entretiennent dans ces riches écosystèmes. C’est en maintenant une dynamique de la diversité dans les agrosystèmes, et bien sûr sans pesticides, qu’un équilibre se crée et que l’on réduit les risques de virus, maladies et autres ravageurs.
❌ Faux ! L’agroécologie a pour objectif de tirer le meilleur parti d’un milieu pour accroître les rendements à l’hectare sans avoir à étendre les surfaces cultivées (autrement dit déforester, assécher des zones humides…). C’est une discipline scientifique éminemment rigoureuse et novatrice, qui est en mesure d’aider les pays du sud à retrouver leur autonomie alimentaire, d’autant plus qu’ils bénéficient souvent de conditions très favorables pour produire intensivement à l’hectare : la lumière du soleil, ressource renouvelable et gratuite et le carbone du gaz carbonique de l’atmosphère pour fabriquer les glucides et les lipides de l’alimentation, via la photosynthèse. L’azote de l’air que des légumineuses peuvent intercepter pour produire des protéines végétales et dont elles vont, par voie biologique, fertiliser le sol et profiter aux céréales comme le mil ou le sorgho qui ne captent pas l’azote de l’air.
L’important est de bien gérer l’usage des eaux de pluie, en mettant des obstacles à son ruissellement et en favorisant son infiltration dans les sols. Pour que ceux-ci soient suffisamment poreux, on peut compter sur les vers de terre, les termites et la biologie des sols. Des matières organiques (fumier) grâce à l’association étroite de l’agriculture élevage, des arbres dont les racines profondes sont capables d’extraire du sous-sol des éléments minéraux issus de l’altération des roches mères et de les restituer dans les couches de surface quand les feuilles mortes se décomposeront au sol. Des arbres et arbustes encore pour héberger toute une petite faune d’oiseaux, mammifères et autres auxiliaires participant à la régulation des insectes ravageurs et des maladies.
L’agroécologie montre ainsi qu’en tirant profit du vivant, avec une utilisation optimisée des ressources naturelles, il est possible de créer et de maintenir une couverture végétale dense et permanente et d’associer étroitement les cycles du carbone et de l’azote afin d’optimiser les rendements sur une surface réduite.
✅ Vrai sur le court terme, faux sur le moyen terme. Le seul moment où le consommateur peut prétendre acheter « bon marché » c’est au supermarché en remplissant son caddie de produits à bas prix, mais le passage « à la caisse » ne s’arrête pas là. Il faut pour rétablir le coût réel d’une alimentation issue de l’agriculture industrielle y ajouter directement tous les coûts cachés : l’argent de nos impôts dépensé pour dépolluer l’eau des intrants chimiques, dont l’atrazine par exemple, lutter contre la prolifération des algues vertes due à l’épandage du lisier provenant de l’élevage intensif d’animaux hors sol, assumer les coûts sur la santé induits par la multiplication des cancers, parkinson, obésité et autres perturbateurs endocriniens, sans oublier bien sûr l’altération en général des paysages en terme de bien-être ou encore les impacts à durée indéterminée sur le climat et la biodiversité.
❌ Faux. Certes l’agriculture biologique a un coût supérieur en main d’œuvre car elle est plus soignée, plus artisanale, plus complexe. Exigeante en temps, elle demande un savoir faire et des connaissances agronomiques, mais n’est-ce-pas les raisons qui justement motivent ceux qui ont envie de se réapproprier leur métier et d’être fiers de produire une alimentation saine pour la santé des hommes et respectueux de l’environnement.
Par ailleurs, rappelons que les pays riches, comme la France, peuvent se permettre de diminuer leurs rendements pour produire une nourriture de meilleure qualité. En économisant sur les coûts en engrais, en pesticides et en énergie fossile (carburants), cultiver en bio permet de gagner en valeur ajoutée à l’hectare. Par ailleurs, il serait bon de rappeler que les agriculteurs en bio contribuent à la réduction de l’effet de serre par la séquestration du carbone, qu’ils replantent des haies, dépolluent les sols et en restaurent la fertilité, favorisant le retour de la biodiversité, et qu’ils devraient, pour ces services rendus à l’environnement, et donc d’intérêt général pour la société toute entière, être rémunérés par l’argent des contribuables. Un levier financier pour compenser le manque à gagner induit par le temps de conversion et la certification. Une rémunération qui récompense leur savoir-faire et reconnaît leur participation à la transition agricole et alimentaire.
❌ Faux. Là encore il faut remettre en perspective les conséquences directes de la surconsommation de viande sur la santé humaine et sur l’environnement et les différents modes d’élevage. Là où l’élevage intensif a des effets délétères à tous points de vue sur la santé, sur l’environnement (pollution aux nitrates responsables de la prolifération d’algues vertes sur le littoral breton, émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre, déforestation importée à cause du soja dont sont nourris vaches, cochons et volaille, et sans oublier le bien-être animal), les exploitations avec un cheptel réduit, élevé à l’herbe, se révèlent au contraire bénéfiques au milieu, puisque les sols et particulièrement les prairies comptent parmi les principaux milieux de stockage naturels de carbone et participent à la biodiversité et au maintien de paysages ouverts.
❌ Faux. Il y a une appétence pour le métier d’agriculteur et agricultrice. Pour preuve, près d’un tiers de nouveaux installés ne le font pas dans le cadre familial. Mais on ne peut parler d’agriculture aujourd’hui sans mentionner les difficultés liées au métier voire l’immense détresse de certains agriculteurs. C’est en effet une profession qui compte parmi les plus importants taux de suicide (perte de sens, surendettement, pression pour produire toujours davantage à des prix toujours plus tirés vers le bas).
La question de la transmission des terres est un vrai enjeu : 45% des agriculteurs partiront à la retraite dans les 6 ans. Selon le dernier rapport de Terres de Lien, 5 millions d’hectares, soit 20% de la surface agricole française vont changer de main d’ici 2030.
Si les débouchés de l’agriculture conventionnelle et la distorsion de concurrence (induite notamment par les traités de libre-échange) découragent certains de reprendre l’exploitation familiale, c’est surtout le difficile accès aux terrains qui est en cause.
Il existe bel et bien des candidats souhaitant reprendre des terres pour développer des formes d’agriculture alternatives (maraîchage en circuit court, transformation fromagère et appellations protégées…), mais c’est un parcours du combattant. La concentration des terres avec des fermes de plus en plus grandes tournées vers une production de masse se poursuit et les nouveaux agriculteurs ne disposant pas d’un capital suffisant ne peuvent prétendre rivaliser avec ces grandes unités de production lorsqu’il s’agit de se positionner pour reprendre les terres de ceux qui partent à la retraite.
Le problème est politique et il appelle une réponse politique : aider les jeunes et moins jeunes à s’installer c’est mettre avant tout mettre fin à la spéculation foncière et redonner du pouvoir aux SAFER (société d’aménagement foncier et d’établissement rural). Réorienter les aides de la politique agricole commune et notamment cesser de conditionner leur montant à l’hectare.
Comme pour l’ensemble de l’agriculture, la société et la science attendent que l’élevage évolue pour réduire son impact sur le changement climatique, contribuer à la préservation de la biodiversité et garantir le bien-être animal. Côté consommateur, les protéines animales, notamment la viande, occupent encore une place importante dans les assiettes, malgré l’évolution des messages de santé publique. Pourtant, pour tendre vers un modèle agricole et alimentaire plus sain et plus durable, il est nécessaire de réduire drastiquement la part qu’on leur accorde. Pour la FNH, cela passe par un objectif : baisser la production et la consommation de produits animaux d’au moins 50 % d’ici 2050. Comment faire pour réussir cette transition vers le moins et mieux ?
Si la production animale ne fournit que 37% de nos protéines et 18% de nos calories (1), elle est au cœur d’enjeux environnementaux cruciaux :
Enfin, émergent dans la société des questions relatives au bien-être animal, avec une demande sociétale forte que celui-ci soit garanti à toutes les étapes de la production (de la naissance à l’abattage).
Le cheptel et la demande de produits carnés diminuent légèrement depuis une vingtaine d’années en France. Cette baisse de la consommation concerne surtout les viandes bovines et porcines (environ -14 % entre 1998 et 2018), alors qu’elle a augmenté pour la volaille (+22,7 % entre 1998 et 2018).
Cette situation est aujourd’hui subie par les éleveurs de bovins en France et s’accompagne d’un prix payé au producteur insuffisant. Ces derniers vivent actuellement une réalité économique et sociale très dure, avec de nombreux départs à la retraite non-remplacés (un sur deux environ), et des conditions climatiques de plus en plus difficiles. Dans ce contexte, les perspectives manquent, et l’accompagnement par les pouvoirs publics fait défaut, en l’absence de cap, ou de moyens pour sortir l’élevage de ses ornières.
Pour répondre aux problématiques écologiques et sociales, de plus en plus d’acteurs (autorités sanitaires, scientifiques, ONG, etc.) s’accordent à dire qu’il est urgent de diminuer fortement la production et la consommation de produits animaux (y compris porc et volaille) à travers le monde.
En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) fixe pour objectif de diminuer de 46% les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole français d’ici 2050 et de 19% d’ici 2030 (3).
Pour y arriver et en l’état actuel du consensus scientifique qui se dessine (4), la FNH se mobilise pour que les politiques publiques s’orientent vers une diminution d’au moins 50% de la production et de la consommation de produits animaux en France en 2050 par rapport à 2020.
Cette réduction serait aussi bénéfique en termes de santé publique, puisque la consommation de viande dépasse actuellement les recommandations, tandis que celle de légumineuses, fruits, et légumes, reste insuffisante (5). La végétalisation des assiettes permettrait ainsi un moins et mieux de protéines animales, et des assiettes plus diversifiées.
Ainsi la transition alimentaire devra viser :
Tout cela nécessite de :
Cette diminution du cheptel doit prioritairement concerner les productions les plus intensives, en raison de leurs multiples impacts négatifs économiques et sociaux ainsi que sur l’environnement, le bien-être animal et la santé publique. Elles se caractérisent par les élevages ayant les plus fortes densités, le plus grand nombre d’animaux et une alimentation provenant en grande partie d’importations (notamment le soja d’Amérique du Sud). Pour les ruminants et les granivores (qui se nourrissent le plus souvent de grains), ce sont aussi les élevages qui ne garantissent pas, ou insuffisamment, l’accès à l’extérieur aux animaux.
Cette diminution doit également se faire dans le cadre d’une déspécialisation des régions agricoles françaises en veillant prioritairement à désintensifier les régions où l’élevage est le plus concentré.
La perspective de diminution de production et de consommation doit constituer une opportunité pour les filières d’élevages de se tourner vers des productions de qualité, à haute valeur ajoutée, rémunératrices pour les agriculteurs.
Le maintien d’un élevage durable sur le territoire français est possible, en privilégiant des systèmes autonomes pour l’alimentation des animaux, en permettant le maintien des prairies permanentes, et en répondant aux nouvelles attentes en matière de bien-être des animaux. Ainsi, ces élevages doivent :
Note
Moins et mieux : un élevage et une consommation de produits animaux respectueux de la planète
Télécharger (format pdf - 831 Ko)Sources
(1) Poore J. et Nemecek T., “Reducing food environmental impacts through producteurs and consumers”, juin 2018
(2) FNH, “Comment réorienter et relocaliser notre agriculture et alimentation vers un modèle résilient et durable ?”, mai 2020
(3) Stratégie nationale bas carbone, avril 2020
(4) En 2021, l’ADEME a missionné plusieurs chercheurs pour comparer 16 scénarios de transition existants, identifier les points communs et les éléments de divergence entre ces travaux. Dans les convergences, il est noté que 12 scénarios sur 16 s’appuient sur des diminutions significatives de la consommation de protéines animales et que la réduction des cheptels concerne 13 scénarios sur 16. Les auteurs en concluent : « ces éléments tracent, en cohérence avec la littérature scientifique, une voie très claire vers la réduction de la consommation de protéines animales et des cheptels »
(5) Les recommandations du PNNS sont de consommer maximum 500g de viande hors volaille par semaine, 5 fruits et légumes par jour, une poignée de fruits à coque chaque jour et des légumineuses au moins deux fois par semaine. Un tiers des Français est au-dessus de la limite des 500g et 80% des Français ne consomment pas suffisamment de fibres. Source : La Fabrique écologique.
(6) Par exemple, selon le Civam, les élevages laitiers durables du Grand Ouest ont un résultat par actif supérieur de 66% par rapport à la moyenne des élevages laitiers sur le même territoire. Par ailleurs, la dépendance des élevages tournés vers l’exportation les rend extrêmement tributaires des fluctuations des cours mondiaux. Au contraire, les élevages plus durables subissent moins l’impact de la volatilité des prix des marchés mondiaux car ils sont moins dépendants des importations d’intrants (notamment l’alimentation animale) et des prix de vente sur le marché international. Dans le cas des élevages laitiers du Grand Ouest, là où le prix du lait peut varier d’une année sur l’autre de -19% à +13%, le résultat varie de -60% à +145% pour les élevages conventionnels, en moyenne, tandis qu’il ne varie que de -34% à +55% pour les élevages durables.
(7) La face cachée de nos consommations alimentaires, Solagro, 2022.
(8) Plus concrètement : l'interdiction de produits issus d’animaux traités avec des produits vétérinaires ou nourris avec des aliments non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité. Ainsi que l'’interdiction de produits issus d’animaux dont il n’est pas attesté qu’ils ont bénéficié de certaines conditions minimales en matière de bien-être animal, concernant le temps de transport notamment. Pour garantir l’effectivité de ces mesures, il est nécessaire de prévoir le renforcement des contrôles dans les principaux pays exportateurs et la mise en place de procédures de suspension.
Par Alain Grandjean
Niet. Rien. Le premier examen du projet de loi Climat et Résilience à l’Assemblée Nationale n’a donné lieu à aucune inflexion politique. Si la discussion n’est pas terminée - au parlement il y aura un temps de séance publique et, dans les ministères, les associations, ONG et syndicats seront encore reçus - force est de constater que le dialogue semble asséché, presque rompu.
Un doute s’est glissé dans la tête des dirigeants français. Dans une France qui “s’archipéllise”, qui se distend, après tout, que représentent ces interlocuteurs? Le dialogue avec les ONG, les syndicats, les associations résout-il des problèmes? Produit-il encore de la légitimité, de la dynamique politique? Il y a là un faux air de prophétie autoréalisatrice. Le récit de l’impuissance génère de l’impuissance.
Le dialogue est pourtant la clé. Il est le moteur de la démocratie. Il est le moyen de tirer de la confrontation des aspirations un chemin collectif et entraînant. A ce titre, la publication de ce second rapport du Think Tank de la FNH est importante. Dédiée à la mise en place d’un règlement européen permettant de rétablir de l’équité de traitement entre les denrées alimentaires produites au sein de l’Union Européenne et des denrées importées, ce travail est le fruit d’un dialogue entre organisations que beaucoup seraient tentés d’opposer. La Fondation Nicolas Hulot et l’Institut Veblen d’un côté, et Interbev, l'interprofession de la viande bovine et ovine, de l’autre.
Des écologistes et des éleveurs main dans la main? Oui et c’est une fierté car si nos organisations ne sont pas d’accord sur tout, elles ont su, en confiance, se poser la question des conditions d’une transition apaisée du monde agricole vers la durabilité. Ici, nous proposons une réforme “clé en main” et compatible avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce pour protéger, aux frontières de l’Union Européenne, cette transition d’une concurrence déloyale grandissante.
Ce rapport est un nouveau démenti à toutes celles et ceux qui ont voulu dépeindre le précédent rapport de la FNH “ Réduction des Pesticides, pourquoi un tel échec ?” comme une attaque faite aux agricultrices et agriculteurs. Celui-ci posait uniquement la question du rôle de la puissance publique, et du ministère de l’agriculture en particulier, dans le maintien de financements incohérents avec la préparation d’un avenir durable, économiquement et écologiquement, pour l’agriculture de notre pays; et avec les objectifs mêmes de ce ministère.
Ce nouveau rapport est surtout une promesse en acte, celle d’un dialogue social capable de produire du dépassement. Modestement, il montre à voir la place et le rôle d’un dialogue social exigeant dans une France en transition. Exigeant car sincère et sans caricature tout d’abord. Exigeant aussi car basé sur les faits et informations à notre disposition. Exigeant enfin car tourné vers un objectif qui fait sens: un système alimentaire de qualité.
Là réside une piste pour comprendre l’assèchement du dialogue social dans la France de 2021. Quel fut l’objet récurrent des moments de concertation social des dix dernières années? Trop souvent, ce fut l’équilibre budgétaire au sens étroitement comptable. Les partenaires sociaux étaient conviés à s’accorder, non pas sur des moyens de réduire le chômage et la précarité ou de penser les transitions industrielles vers la sobriété, mais sur les moyens de réduire les dépenses. La chasse au déficit a provoqué en Europe un effondrement des investissements, publics et privés, après la crise de 2008-2011. Elle a aussi abîmé notre vitalité démocratique et fait perdre le sens de l’action collective à l’échelle nationale comme européenne, qui ne peut se limiter à des raisonnements de boutiquier.
Le constat est amer, mais il n’est pas dénué d’espoir. Il est possible de redonner de la force au dialogue. Au fond, l'expérience de la Convention citoyenne était doublement innovante. Par l’effet d'oxygénation d’un tirage au sort et d’un processus long de co-construction tout d’abord. Mais aussi parce que pour la première fois depuis longtemps le cadre fixé à ce dialogue était celui de l’atteinte, dans la justice sociale, de nos objectifs climatiques. Le projet de loi n’est pas à la hauteur, mais souvenons-nous qu’il pourrait en être autrement. Les ingrédients du succès étaient là. Ils le sont toujours.
Alors que l’importation de denrées agricoles et alimentaires a augmenté de 28% entre 2005 et 2019, le Think Tank de la Fondation pour la Nature et l'Homme, INTERBEV et l’Institut Veblen, défendent la nécessité d’adopter un règlement européen sur les importations, basé sur un principe de mesures-miroirs. Ce règlement vise à stopper un système qui entrave la transition écologique et sociale, et met en péril l’avenir des éleveurs et agriculteurs européens.
RAPPORT
Mondialisation : comment protéger l'environnement et les agriculteurs ?
Télécharger le rapport (format pdf - 11 Mo)En 2019, à l’ouverture du Salon International de l’Agriculture, Emmanuel Macron rappelait la nécessité de construire “la souveraineté alimentaire, environnementale et industrielle” du continent européen. Pourtant entre 2005 et 2019 l’importation de denrées agricoles et alimentaires a augmenté de 28%. Derrière ce chiffre se cache une seconde réalité : en important des produits agricoles issus d’élevages moins regardants sur la traçabilité et les normes ou bien cultivés avec des pesticides interdits dans l’Union européenne, l’UE ne tient pas ses engagements environnementaux et de santé publique et met les éleveurs et agriculteurs européens sur le terrain de la concurrence déloyale.
Dans le rapport « Mondialisation : comment protéger l’environnement et les agriculteurs ? » nous avons analysé les conséquences de l’inaction de l’Europe en la matière, en proposant un zoom sur deux sujets, les pesticides et les modes d’élevage. Comment retrouve-t-on des pesticides interdits en Europe dans nos assiettes ? Comment des entreprises européennes peuvent-elles avoir le droit de produire et d’exporter des pesticides que nous avons interdits à cause de leur dangerosité pour l’Homme et l’environnement ? Comment l’élevage européen de viande bovine et le monde agricole dans son ensemble subit-il de plein fouet la concurrence déloyale ? Et surtout quelles solutions mettre en place pour enfin protéger, l’environnement, les consommateurs et les agriculteurs européens ?
La législation européenne applicable aux pesticides induit une différence de traitement entre les denrées produites dans l’UE et les denrées importées qui conduit à abaisser les standards de l’UE sur le plan sanitaire et environnemental. Ainsi, par exemple, les critères théoriquement très stricts issus du Règlement Pesticide font l’objet d’une application parfois déficiente au sein de l’UE. Le Règlement « limites maximales de résidus » (LMR), quant à lui, montre de nombreuses limites : les cultures produites hors de l’UE peuvent avoir été traitées avec des substances non autorisées dans l’UE à la seule condition que les denrées importées respectent les LMR fixées… qui peuvent être révisées à la hausse sur demande !
Pour faire face à cette différence de traitement, les agriculteurs européens peuvent réclamer en retour des dérogations pour l’utilisation de produits dangereux dans l’UE, qui peuvent avoir des conséquences nuisibles sur l’environnement et la santé. En outre, les contrôles font état de la présence fréquente de résidus de substances, y compris de substances non autorisées dans les denrées importées.
Produit phare de la transition écologique et alimentaire pour ses apports en protéines végétales et sa capacité à fixer l’azote dans les sols, la lentille européenne n’est pas traitée à la même enseigne que sa cousine canadienne : la lentille européenne est vendue entre 500 et 600€ la tonne, mais à cela, il faut ajouter une perte allant de 5 à 10% à cause de la présence d'un insecte ravageur, la bruche. La lentille canadienne, de son côté, arrive en Europe depuis l’autre bout du monde, au même prix 500-600€ la tonne, mais elle est utilisable à 100% par l’industriel. Résultat : la lentille canadienne en ressort gagnante. Ce coût avantageux s’explique notamment par des exigences et des pratiques environnementales autorisées au Canada, mais interdites en Europe, comme :
Résultat : la lentille canadienne représente un tiers de la consommation européenne, et cela pourrait encore s’amplifier dans les années qui viennent, puisque le CETA supprime les droits de douanes sur les produits à base de lentilles !
Si l’Europe a adopté de nombreuses réglementations en matière d’alimentation animale, de bien-être animal et de traçabilité, seule la réglementation interdisant le recours aux hormones de croissance s’applique à ce jour aux produits animaux importés. Rien ne bouge concrètement concernant l’usage des antibiotiques, des farines animales, du bien-être animal et notamment sur le temps de transport des animaux, ou encore la traçabilité, exposant ainsi les consommateurs européens à des risques sanitaires accrus et les éleveurs à une distorsion de concurrence toujours plus importante, alors même qu’en France, ils traversent déjà une crise de revenu sans précédent.
De fait, l’UE s’expose à de nouveaux scandales sanitaires déstabilisant l’ensemble des filières en acceptant d’importer des produits issus d’animaux ne faisant pas l’objet d’une traçabilité adéquate.
Alors que l’Europe importe déjà 300 000 tonnes de viande bovine par an, les accords de libre-échange déjà conclus ou en cours de négociation supposeraient l’importation supplémentaire de 200 000 tonnes de viandes des États-Unis, du Brésil et du Canada. Des animaux élevés à base de farines animales interdites en EU depuis 2001 (crise de la vache folle), sans traçabilité stricte, ni aucune norme en matière de bien-être animal…
Cette situation met à mal les éleveurs européens : en France et en Europe, le marché qui rapporte le plus est celui de l’aloyau (bavette, faux-filet, côte de boeuf…), mais malgré une production à l’autre bout du monde, le kilogramme d’aloyau canadien peut être vendu en Europe jusqu’à 5€ moins cher que le kilogramme d’aloyau européen. Cette différence de prix suppose entre 30 et 60% de perte de revenus pour les éleveurs français qui, avec un salaire moyen de 700€ par mois, sont déjà en péril. Résultat : les accords de commerce mettent en danger 50 000 emplois de la filière bovine.
Ainsi à l’heure où les produits agricoles n’échappent plus à la mondialisation, et malgré les engagements ambitieux que s’est donnée l’Europe, il devient illusoire d’espérer répondre aux exigences environnementales, sanitaires et éthiques élevées de l’UE par des normes s’appliquant uniquement aux produits domestiques. La multiplication des accords de libre-échange comme le CETA ou bientôt l’accord entre l’UE et le MERCOSUR accentue encore le problème puisqu’ils réduisent les droits de douanes et certains contrôles.
Face à ce constat, nous faisons une proposition : l’adoption d’un règlement européen sur les mesures miroirs pour que les standards de production européen s’appliquent aussi aux produits importés. En cela, la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 est une opportunité politique majeure. Ce règlement permettrait l’application, non discriminatoire, de normes protectrices sur les produits importés. Concrètement, qu’est-ce que contient ce règlement ?
En ce qui concerne les pesticides, le rapport recommande de :
En matière d’élevage, il est nécessaire d’imposer à tout le moins les mesures suivantes :
Le rapport met en évidence un point majeur : les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne constituent pas des obstacles insurmontables à la mise en place de l’ensemble des mesures miroirs envisagées.
S’il est vrai que les partenaires commerciaux de l’UE ne manquent pas d’affirmer que certaines normes de l’UE constitueraient des entraves au commerce, il ne faut pas sous-estimer les possibilités juridiques de contrer ces arguments. L’analyse juridique présentée dans ce rapport atteste que les exceptions prévues dans l’accord SPS ainsi que l’article XX de l’OMC permettent l’adoption par l’UE d’un tel règlement, et qu’en cas de conflit à l’OMC, l’UE devrait gagner.
La hausse des importations de produits agricoles et la distorsion de concurrence inacceptable qu’elle crée ne doivent pas inciter les pouvoirs publics, comme certains le proposent, à niveler par le bas les normes européennes pour espérer gagner le combat de la compétitivité. A l’heure des crises écologiques et sociales, abaisser les règles environnementales et sanitaires serait une folie qui nous mènerait tout droit dans le mur.
Rapport
Mondialisation : comment protéger l'environnement et les agriculteurs
Découvrez le rapport (format pdf - 11 Mo)Rapport
How can we stop the import food of food produced using banned practices in Europe ?
Découvrez le rapport (EN) (format pdf - 16 Mo)Alors que la Commission d’évaluation du projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur se prépare à rendre ses conclusions, la FNH et l’Institut Veblen ont elles aussi analysé la trentaine de chapitres rendue publique. Verdict : la France doit demander l’abandon immédiat de l’accord en cours de finalisation. Si la position de la France de bloquer en l’état l’avancée de la ratification de l’accord suite à la politique menée par Jair Bolsonaro est une bonne nouvelle, l’examen approfondi des textes publiés révèle que les dispositions mêmes du traité aggraveront davantage le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. En d’autres termes, même en cas de départ de l’actuel président brésilien, il serait irresponsable de signer un tel texte au moment où tous les indicateurs environnementaux sont au rouge.
Les négociations entre l’Union européenne (« UE ») et les États du Mercosur (aujourd’hui Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) ont été initiées en 1999 et ont débouché sur un accord de principe présenté par la Commission européenne le 28 juin 2019 comme « le principal accord commercial jamais conclu par l'UE ». Cet accord, qui doit encore être ratifié par l’UE et les États du Mercosur avant d’entrer en vigueur, supprimerait plus de 91% des droits de douanes sur les échanges entre les deux zones.
L’accord devrait favoriser les exportations des entreprises européennes dans les secteurs de l’automobile, la chimie, la pharmacie, l’habillement, vers les pays du Mercosur. En retour, ces derniers bénéficieraient de plus larges débouchés sur le marché européen pour leur production notamment agricole (bœuf, volaille, miel, sucre/éthanol…). Ainsi, l’accord parfois présenté comme « cars for cows » (voitures contre viande bovine) devrait accentuer la répartition des échanges entre les deux zones.
Dès avant leur lancement, les négociations entre l’UE et le Mercosur avaient suscité de vives critiques. En juin 2019, les organisations environnementales avaient appelé la Commission à geler les négociations et inciter ainsi le gouvernement brésilien à abandonner ses tentatives de suppression ou d’affaiblissement des réglementations de protection de l’environnement et des communautés autochtones.
Cependant, la Commission n’a pas donné suite à cet appel. Elle s’est contentée d’insister sur les « effets positifs sur l'environnement » d’un accord qui permettrait « aux deux parties d'être gagnantes ». Pourtant, l’analyse des textes des chapitres de l'accord rendus publics durant l’été 2019 et des deux études d’impact sur la durabilité de 2009 et 2019 confirment le contraire.
• La libéralisation des échanges agricoles prévue par l’accord est très poussée et met en danger l’agriculture française. En effet, les nouveaux contingents tarifaires à droits nuls ou réduits octroyés par l’UE au Mercosur portent sur des volumes significatifs : 99.000 tonnes pour la viande bovine, 180.000 tonnes pour la viande de volaille, 650.000 tonnes pour l’éthanol. En comparaison, le CETA prévoit des contingents deux fois moins importants pour la viande bovine et exclut la viande de volaille. Le soja bénéficie aussi de la libéralisation via la suppression des droits à l’exportation (ou à minima leurs réductions).
• Pour faciliter les échanges, l’accord limite les possibilités de contrôle, quitte à reléguer la sécurité sanitaire au second plan. Par exemple, l’accord exclut la possibilité d’inspection physique d’établissements individuels, ce qui peut surprendre dans un contexte de scandales sanitaires récents au Brésil (notamment l’affaire « Carne Fraca » ou « viande avariée » en 2017) ayant mis en lumière un système de contrôle sanitaire défaillant et corrompu.
En effet, alors que le Mercosur représente déjà plus de 70% des importations européenne de viande bovine et 50% de celles de viande de volaille, l’accord entraînera une forte augmentation des exportations agricoles du Mercosur vers l’UE (par exemple de l’ordre de 54% à 78% pour la viande bovine selon les pays, ou de 13,1% pour les produits du bois et du papier issus du Brésil, selon l’étude d’impact de 2019).
Cette augmentation des exportations devrait entraîner une hausse de la production agricole dans le Mercosur, qui, en l’absence de mesure préventive, est susceptible d’avoir des conséquences dramatiques sur la déforestation, les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation de produits phytosanitaires. C’est pourquoi une première étude d’impact conduite en 2009 avait préconisé que « l’ouverture de contingents sur les produits sensibles d’un point de vue environnemental/ biodiversité soit conditionné au respect d’une série de critères de durabilité ». Mais cette préconisation n’a pas été suivie d’effet.
Par ailleurs, les engagements contenus dans ce chapitre, notamment en matière de déforestation, biodiversité, climat et responsabilité sociale des entreprises sont vagues et ne vont pas au-delà des engagements déjà pris par les États dans d’autres accords internationaux. Ainsi, si un État décidait de quitter l’Accord de Paris, rien ne pourrait être fait pour sanctionner cet État si ce n’est de demander à un groupe d’experts de le constater dans un rapport qui serait rendu public.
Les règles du commerce mondial sont ainsi faites que les normes applicables aux denrées agricoles produites dans l’UE ne s’appliquent pas aux denrées importées vers l’UE. Contrairement à ce que peuvent laisser entendre la Commission ou le gouvernement français, l’accord encourage les échanges sans rien changer à cet état de fait. Pesticides interdits dans l’UE, normes de bien-être animal, antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance... aucune disposition ne figure dans l’accord pour faire respecter les règles auxquelles sont soumis les agriculteurs européens. Ce n'est pas anodin car les pays du Mercosur sont très actifs pour contester les réglementations européennes qui peuvent avoir un impact sur le commerce entre les deux régions et que l’accord pourrait leur donner de nouveaux outils pour faire pression sur l’UE, afin qu'elle abaisse ses propres standards.
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